> Presse —Tout nu devant la bourse ? |
Vendredi 19 Août 2011:
Éditorial Tout nu devant la Bourse ? Par Maurice Ulrich Il y a peu de chances que l'on retrouve demain Maurice Lévy, président de l'Association française des entreprises privées, tout nu devant la Bourse en chute libre pour en conjurer les effets, comme saint François d'Assise devant son père pour renoncer à toute richesse. Assistons-nous toutefois à une conversion des super-riches comme pourraient le laisser croire les déclarations du multimilliardaire Warren Buffett ou celles, donc, de Maurice Lévy ? Ce dernier, dans une récente tribune du Monde, plaidait pour « une contribution exceptionnelle des plus riches, des plus favorisés, des nantis », les appelant à jouer pleinement « leur rôle de citoyens ». Une révolution ? Une nouvelle nuit du 4 août ? Pas vraiment. D'abord, personne n'a vu Liliane Bettencourt, Bernard Arnault, François Pinault, et quelques autres se tenant par la main pour aller déposer une part de leur fortune à Bercy en offrande à la République. Ensuite, parce que la tribune de Maurice Lévy n'est pas autre chose qu'un programme d'austérité ultralibéral préconisant de s'attaquer aux « vaches sacrées que sont nos structures administratives et nos systèmes sociaux », militant pour de nouvelles baisses des charges, etc. En clair, la « contribution » hypothétique des riches ne serait qu'une pincée de poudre de perlimpinpin préparant ce que Nicolas Sarkozy entend annoncer dans les prochains jours. Sans doute les cercles dirigeants du pouvoir et de la finance ont-ils pris conscience que des rémunérations « extravagantes » devenaient un problème dès lors que l'on veut imposer aux peuples « la règle d'or » qui n'a d'autre but que de leur faire payer la crise en « rassurant les marchés ». Lesquels, comme on l'a constaté avec la nouvelle journée noire de jeudi sur les places financières mondiales, ne sont pas rassurés pour autant. Sans doute est-il possible que soit mise en place, avec une mise en scène bien réglée, une telle contribution dont l'ambition symbolique n'aurait d'égal que l'innocuité pour les fortunes concernées. Même pas le battement de cils d'un moustique, si l'on ose dire, sur la peau d'un éléphant. Nul ne s'en plaindrait, certes, mais ils s'agit de bien autre chose. Depuis des années, et singulièrement avec l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, la fiscalité n'a fait que favoriser les hauts revenus. La suppression du bouclier fiscal a été un tour de passe-passe pour en arriver à réduire l'impôt sur la fortune. La gauche, toute la gauche, comme les forces syndicales qui se sont retrouvées jeudi avec l'intention de faire front, devraient donc se mobiliser pour une réforme profonde de la fiscalité, favorisant l'emploi et les services publics, et non la finance. Mais, de manière plus profonde encore, ce sont les règles du jeu, ou plus exactement l'économie capitaliste en recherche de rentabilité à tout prix, qui sont en cause. C'est aussi l'un des enseignements majeurs de la panique sur les places boursières. Au reste, ils auraient bonne mine, nos super-riches, quand bien même ils joueraient les bons samaritains, quand leur but réel est de servir toujours des dividendes en hausse, en se servant eux-mêmes. *« En se gavant », disait, dans ses Mémoires, le duc de Saint-Simon. Un exemple, un seul. Gérard Mulliez, PDG d'Auchan, est l'une des premières fortunes de France. Et ça n'aurait aucun rapport avec la question des marges de la grande distribution et des prix payés aux producteurs dont il était question jeudi, un peu partout en France ? (source l'Humanité)
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