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Mercredi 17 Août 2011:
Éditorial La Sainte-Alliance Par Jean-Paul Piérot Nous y voilà. Pour « reconquérir la confiance des marchés », ainsi que l'a martelé hier Angela Merkel, réduisons la démocratie. C'est en effet une sorte de souveraineté limitée au profit des marchés financiers que Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande préconisent. Une souveraineté en réalité sous haute surveillance de l'orthodoxie financière, pour laquelle Berlin entend jouer un rôle de vigie, se met en place, sous le prétexte d'instaurer une institutionnalisation de la zone euro. Tout à fait symbolique de cet acharnement à inscrire le dogme libéral dans le marbre, l'engagement à inscrire la « règle d'or » dans la Constitution. Élus privés de leurs droits en matière budgétaire, pays sous tutelle de la Constitution, l'intégration européenne est entraînée dans un processus d'autoritarisme inquiétant. À quelques heures de la rencontre entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, hier à l'Élysée, la publication des chiffres de l'économie allemande ont ajouté à l'inquiétude ambiante et agité une nouvelle fois le monde de la spéculation boursière. La première puissance économique de l'Union européenne, donne des signes sérieux de fatigue. La croissance au deuxième trimestre est quasiment nulle (0,1 %) outre-Rhin, nulle en France, ce qui, compte tenu du poids cumulé de Berlin et de Paris, tire la zone euro dans les basses eaux (0,2 %). La crise des dettes souveraines est bien un symptôme d'un mal plus profond qui affecte l'économie réelle, la production et la consommation. Les familles allemandes achètent moins, la construction décline, et les exportations, qui constituent près de la moitié du PIB, sont à la peine. Les mêmes causes produisent les mêmes effets en Allemagne comme en France. L'austérité et le recul social se paient à l'échelle de la société. Vouloir concilier essor de la croissance et coups de frein à la consommation populaire revient à prétendre marier l'eau et le feu. Ce n'est pas une crise de plus, mais une nouvelle étape de la crise systémique du capitalisme financier. En 2008, la seule réponse, dont Nicolas Sarkozy fut un ardent partisan, fut l'aide massive des États en faveur des banques. Ce faisant, ceux-ci ont contribué à leur propre surendettement sans que pour autant le capitalisme eût été de quelque manière « moralisé ». Aujourd'hui, la seule issue libérale consiste à s'attaquer plus radicalement à la réduction des dépenses publiques, celles qui concourent à améliorer les conditions de vie des simples citoyens. Nicolas Sarkozy tout comme Angéla Merkel voudraient interdire le débat sur l'augmentation des recettes. Il vaut mieux, à leurs yeux, rogner sur les allocations chômage que d'envisager une réforme fiscale plus juste. Il est remarquable que le président de la République ait choisi l'occasion d'une visite de la chancelière allemande pour peaufiner le plan d'austérité qu'il devrait rendre public le 24 août. Mais il préférait pouvoir en donner la primeur à Angéla Merkel avant que les Français en aient connaissance. Voilà qui donne un avant-goût au fonctionnement envisagé de la « gouvernance » économique de la zone euro. Quant à la concertation franco-allemande selon le président Sarkozy, elle consiste à joindre les efforts des deux gouvernements pour faire passer, « quelle que soit la situation économique », un nouveau plan d'austérité, la protection sociale, le pouvoir d'achat, l'éducation dussent-ils en pâtir. (source l'Humanité)
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