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Jeudi 4 Août 2011:

La gauche au défi d'une nouvelle donne financière

« S'adapter » à la rigueur ou faire jouer un autre rôle aux banques avec un pôle public du crédit, et à la BCE. Le débat est lancé.

Il est loin, le temps où, à gauche, on s'interrogeait sur la meilleure utilisation de la « cagnotte », l'excédent de recettes budgétaires fruit des années de la forte croissance 1998-2000... Pour les principaux ténors de la gauche social-démocrate, l'heure serait désormais à la rigueur, la crise des finances publiques ayant force de loi. Sous la pression du discours sur le poids de la dette publique et du chantage des agences de notation menaçant de dégrader la note de la France sur les marchés financiers, une partie de la gauche a rendu les armes.

La semaine dernière, les favoris de la primaire socialiste, Martine Aubry et François Hollande, ont jeté aux orties l'échéancier d'apurement des déficits contenu dans le projet socialiste pourtant adopté à l'unanimité, le 28 mai dernier, pour se ranger à l'injonction adressée à la France par les commissaires de Bruxelles. Il s'agit désormais de rentrer dans les clous, le plus vite possible, des 3 % du PIB de déficit public autorisé par les traités européens, c'est-à-dire dès 2013. Le projet socialiste ne prévoyait pourtant de repasser sous la barre des 3 % qu'en 2014, pour laisser des marges de manoeuvre au futur gouvernement aux prises avec les urgences sociales d'une France dévastée par dix années de politique de droite aux ordres des marchés. Un tournant de la rigueur avant la lettre qui n'est pas sans inquiéter les autres composantes de la gauche qui militent, quant à elles, pour une rupture avec les dogmes libéraux.

Le PS se trouve ainsi pris dans la nasse entre des engagements contradictoires qui font les délices de la droite : d'un côté, la nécessité de desserrer la vis des restrictions budgétaires insupportables infligées au pays par la droite, comme en témoigne la déclaration de Martine Aubry au Festival d'Avignon en faveur d'une augmentation de 50 % du budget de la culture. De l'autre, l'obéissance aux traités européens et à l'ordonnance libérale prescrite par le FMI dirigé par Christine Lagarde, qui ne se démarque pas de son prédécesseur socialiste à ce poste, Dominique Strauss-Kahn.

Pour respecter ce cadrage, le PS a une recette : la réforme fiscale. L'annulation des cadeaux accordés sans compter aux contribuables les plus fortunés depuis 2007 (abaissement du seuil maximal d'imposition de 60 % à 50 % dans le bouclier fiscal puis allégement de l'impôt sur la fortune) et la remise en cause des avantages accordés sans effet probant sur l'emploi aux entreprises comme la détaxation des heures supplémentaires devraient permettre de dégager des recettes nouvelles, dont la moitié, aux dires du projet du PS, devraient être consacrés à la réduction de la dette. La faille dans le raisonnement est la croyance en un endettement intrinsèquement nocif, sans remise en cause du mode de financement public. « Il y a une erreur d'analyse sur les causes de la crise », rappelait ainsi le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, dans l'Humanité, le 19 juillet. « Nous ne sommes pas face à une crise de la dette publique dont l'origine serait le trop-plein de dépenses publiques. La crise est celle de la spéculation financière », les prêteurs s'enrichissant sur la fragilisation des finances des États, après avoir été sauvés de la faillite en 2008 par l'injection massive de fonds publics.

C'est sur cette question cruciale de la rupture avec l'austérité et de la dépendance des marchés financiers que

« la gauche devra se différencier des politiques qui (…) sont imposées dans toute l'Europe », insiste Pierre Laurent. Ce qui implique de réviser les missions et le pouvoir sans contrôle de la Banque centrale européenne (BCE), pour que celle-ci, adossée à des pôles publics nationaux de crédit passant par la nationalisation des banques, rachète directement aux États leurs titres de dette souveraine et leur consente des prêts à taux bonifiés pour financer des investissements favorables à l'emploi et à la formation.

Sébastien Crépel

(source l'Humanité

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