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Mardi 2 Août 2011:
Un nouveau modèle d'action publique Par Jean-Christophe Le Duigou (1) Le sommet européen du 21 juillet impose à la Grèce le sacrifice de ses services publics. Tous les pays européens sont malheureusement au diapason. C'est inquiétant ! À moins d'un an de l'élection présidentielle, le thème de la « réduction de la dette » occupe la première place dans le débat politique. Les candidats du Parti socialiste semblent même céder à la pression des marchés financiers. Et une fois de plus, la polémique et la tactique l'emportent sur la réflexion de fond. Pendant ce temps, l'incertitude quant au devenir de l'État et des services publics s'accroît. Il n'est pas question d'ignorer la situation financière dégradée de l'État. Mais contrairement aux simplifications qui ont cours, ce n'est pas en soi le volume de la dette qui pose problème. Avec un taux d'épargne très élevé, la France n'est pas en faillite. C'est le coût de la dette publique qui est préoccupant car il fait peser, dès aujourd'hui, une hypothèque sur les dépenses utiles. Les sommes qui sont consacrées à rémunérer les fortunes et les fonds qui prêtent à l'État représentent le deuxième budget après celui de l'éducation. Cela dit, c'est dès à présent que le gouvernement met en oeuvre la rigueur : le gel de la rémunération des agents publics, non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, recul de l'âge de la retraite, blocage de la quasi-totalité des budgets publics... Sans solutions nouvelles l'addition risque de s'alourdir pour les travailleurs et les ménages modestes. Au-delà des luttes tenaces qui marquent un certain nombre de secteurs (hôpital, recherche, université, poste, finances, etc.), au-delà des batailles pour redonner toute leur légitimité à des politiques publiques dignes de ce nom comme en matière industrielle, d'énergie, de transport, de logement, quelques initiatives transversales sont nées dans la dernière période, à l'image de la Convergence nationale pour la défense du service public, issue d'un premier rassemblement, en mars 2005, à Guéret, ou de l'appelle Service public est notre richesse qui rassemble, depuis 2008, diverses personnalités, juristes, économistes, syndicalistes. Ces initiatives, qui participent pleinement du mouvement d'opposition aux mises en cause des services publics, ont des difficultés à déboucher sur les mobilisations massives, que l'on peut souhaiter en tout cas suffisantes pour créer le rapport de forces indispensable. Le principal remède mis en avant par les forces de gauche est celui de l'augmentation des impôts, indispensable pour se donner des marges de manoeuvre. Mais il faut être clair, l'imposition des patrimoines et des revenus les plus élevés n'est pas le remède miracle. Indispensable, elle servira en priorité à alléger les prélèvements qui asphyxient les ménages modestes. L'alternative n'est pas pour autant dans des coupes claires dans les services publics, le remède de la droite. La question est dans le choix des dépenses à privilégier. Il faudra faire toute leur place aux dépenses utiles car aujourd'hui ce sont des priorités en matière de dépenses publiques qui ne sont pas financées : l'éducation, la recherche, la santé. Elles doivent passer avant les dizaines de milliards d'aides aux entreprises, les dépenses militaires, les exonérations de cotisations sociales. Est en cause notre capacité collective à définir et à porter les lignes directrices d'une véritable réforme de l'État. Cet effort de propositions est pourtant indispensable. Il implique de répondre à une série de questions nouvelles qui balisent la voie pour un nouveau modèle d'action publique. Le profil de la puissance publique de demain va se définir en fait autour de plusieurs questions essentielles qui renvoient aux fondements des missions publiques : que peut apporter la puissance publique à une nouvelle logique de développement ? Quel sera le sens et la place de la loi ? Que sera l'intervention publique, notamment dans les champs économiques et sociaux ? Quel sera le rapport entre droits individuels et systèmes collectifs de solidarité ? L'avenir de la puissance publique sera largement influencé par la nature et par l'ampleur du débat que les forces sociales seront en capacité d'imposer. Le mouvement syndical et plus largement le mouvement social et politique sont légitimes pour imposer une véritable confrontation permettant de garantir l'avenir des services publics. (1) Économiste et syndicaliste. (source L'Humanité Dimanche)
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