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Mercredi 27 Juillet 2011:

 

La Corne d'indigence de l'Afrique

Par Dany Stive

« En arriver à déclarer la famine au XXIe siècle, c'est immoral. Nous avons encore des enfants qui meurent de faim, ça ne peut pas continuer ! » Comment ne pas partager le cri du coeur de Christina Amaral, directrice des opérations d'urgence de l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO) ? La réflexion de cette femme sonne comme un douloureux rappel à l'ordre. Comment accepter le fait que, depuis trente ans, comme un mauvais cauchemar, les images terrifiantes d'enfants squelettiques, le ventre ballonné, viennent régulièrement nous hanter ? Comment ne pas être submergé par la rancoeur au souvenir des coûteuses (humainement et matériellement) opérations « Restore Hope » (restaurer l'espoir), fiasco militaire de l'intervention américaine avec Bernard Kouchner dans ses bagages, suivi, dix-neuf ans plus tard, de  ce fiasco humanitaire ?

Comment accepter ce monde qui mobilise des milliards de dollars pour sauver un système bancaire en un temps record et qui a besoin de semaines et de semaines pour réunir les fonds nécessaires au sauvetage de douze millions de personnes en perdition dans la Corne (d'indigence) de l'Afrique ? Sur le terrain, les associations humanitaires ont accueilli des dizaines de milliers de personnes au camp de Dadaab dès novembre dernier. Au programme alimentaire mondial, les spécialistes alertaient sur la situation depuis avril,

« régulièrement », disent-ils.

Certes, dans cette région, les prochaines pluies sont attendues, de façon bien hypothétique, en novembre prochain. Mais la sécheresse ne saurait, à elle seule, expliquer la faim, la détresse, les déplacements de populations, les camps de réfugiés surpeuplés. En Somalie, existe le terrorisme islamique qui n'est pas qu'une menace. Au-delà de ce pays, ce qu'un euphémisme technique appelle « la volatilité des marchés internationaux » fait des ravages. Le prix du sorgho rouge a augmenté de 240 % en un an. La flambée des prix alimentaires a été accompagnée d'une hausse de 270 % du prix des céréales. Que des enfants meurent de faim à petit feu n'empêche pas les spéculateurs de tout acabit de profiter de l'aubaine. Parallèlement, en Éthiopie, par exemple, à côté des fermiers incapables de nourrir leurs familles, des investisseurs étrangers accaparent les terres et y cultivent des produits voués à l'exportation. Il est urgent de stopper cette folie politique. Que les terres cultivables de ces pays soient consacrées à nourrir les populations, que la spéculation ne puisse s'exercer sur les matières premières agricoles et les denrées alimentaires. Et à court terme, il est plus urgent encore de sauver des vies humaines.

Hier, Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture du pays présidant actuellement le G20, a gravement déçu les organisations humanitaires. Il avait pourtant annoncé la veille que « la communauté internationale a(vait) échoué à assurer la sécurité alimentaire...

Si nous ne prenons pas les mesures nécessaires, la faim sera le scandale de ce siècle ». Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, attendait 1,6 milliards de dollars rien que pour la Somalie, mais les agences de l'ONU n'en ont reçu que la moitié. La faim est le scandale du siècle.

(source l'Humanité)

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