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Mardi 26 Juillet 2011:

 

Éditorial

Les fruits de la haine

Par Patrick Apel-Muller

Le massacre dépasse l'entendement. L'Europe ne semblait redouter que les retombées des guerres lointaines et le terrorisme de fanatiques islamistes. Mais l'attentat d'Oslo et la tuerie de l'île d'Utoya sont nés en son sein comme le fruit toxique des discours anti-immigrés qui contaminent de plus en plus de pays et de plus en plus de partis. Il a trouvé à éclore dans une raison chancelante comme hélas ! il en existe. Mais on aurait tort de n'y voir qu'une tragique dérive individuelle. Le manifeste de 1500 pages, publié sur Internet par le tueur, montre comment s'est constituée, « rationalisée » une démarche qu'il résume par ces mots : « une fois que vous décidez de frapper, il vaut mieux tuer trop que pas assez, ou vous risquez de réduire l'impact idéologique désiré de cette frappe. » Ses ennemis ? « La colonisation islamique de l'Europe » et « Le marxisme culturel » qu'il est un « devoir » de « décimer ».

Cet Anders Behring dessine lui-même la généalogie de ses idées en revendiquant sa longue appartenance à l'extrême droite norvégienne (le Parti du progrès), en expédiant son long texte à un élu du Parti des vrais Finlandais, en avouant son admiration pour le leader anti-immigrés néerlandais Geert Wilders... C'est la carte de l'extrême droite européenne qu'il dessine, celle qui veut se rebaptiser « populiste » et qui fait prospérer de nouveaux mouvements fascisants sur les désarrois sociaux et en agitant l'épouvantail d'une menace immigrée. et à l'épreuve de ce sinistre levain, resurgissent des courants que l'histoire avait contrariés. En Hongrie, défilent les uniformes noirs d'un parti qui recueille près de 17 % et qui, en alliance avec la droite de Viktor Orban, formente des lois discriminatoires à l'égard des tziganes et des pauvres. En Espagne, les tentatives de réhabiliter le franquisme ne cessent pas. En France même, l'UMP n'a-t-elle pas intégré la rhétorique anti-immigrés et ultrasécuritaire du Front national ?

Les discours de haine raciste enfièvrent aisément les esprits faibles qui rêvent de pouvoirs forts. Le discours sur la guerre des civilisations fourmille de tels germes et exalte des fanatismes de tout poil. Permettre à chacun d'identifier les maux réels dont il souffre et les fonctionnements sociaux qui les génèrent, ce n'est pas seulement un enjeu de combat politique mais aussi de paix civile et de démocratie. La recherche de boucs émissaires parmi les victimes de la crise est toujours un jeu meurtrier. Les gouvernants ont la responsabilité de refuser le recours à la guerre pour résoudre les contradictions, et donc de favoriser une culture de paix. Ils ne le font guère ? C'est une excellente raison pour changer... « En même temps que le vieil ordre politique et social agonise, une poussée nouvelle de forces brutes, d'appétits ignobles ou de fanatismes meurtriers soulève l'écorce de la vieille terre », écrivait Jean Jaurès. En Norvège, c'est dans le sang.

(source l'Humanité)

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