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Vendredi 22 Juillet 2011:

 

Éditorial

Encore combien de sommets de crise ?

Par Gaël De Santis

Les dirigeants de la zone euro organisent aujourd'hui une réunion de crise. Sommet européen est devenu synonyme d'impuissance. Car c'est la 23e fois que Sarkozy, Merkel et consorts font le voyage à Bruxelles depuis l'été 2007, quand a éclaté la crise des subprimes. Plus de 15 millions de personnes cherchent du travail dans la zone euro. La production n'a toujours pas retrouvé son niveau de 2007.

Fort heureusement, les luttes montent. Surtout dans les pays gravement victimes de l'austérité, ceux que les financiers allemands désignaient avec dédain lors de l'entrée dans la zone euro comme étant membres du « Club Med ». Aujourd'hui, les populistes de droite déchargent, avec le même dédain, la responsabilité de la crise des banques sur ces peuples accusés au mieux d'être feignants, au pire d'être frondeurs.

Il faut écouter ces luttes. Début juin, les Slovènes rejettent la retraite à soinxante-cinq ans par référendum. Au Portugal, en novembre, la grève générale pose, entre autres, la question de la réindustrialisation du pays. En Espagne, en septembre, la grève générale s'oppose à une plus importante flexibilisation du marché du travail, alors que 40 % des jeunes sont déjà au chômage. Un refus qui s'exprime maintenant dans le mouvement des Indignés, à Madrid, à Barcelone, à Athènes. La Grèce a connu de nombreuses grèves générales. On ne les compte plus. Elles disent la volonté d'être respectés et le rejet des privatisations. Le quotidien économique la Tribune admet, sans oser le dire, que les manifestants ont raison, quand il tire : « les privatisations ne guériront pas les grands malades européens ». Une fois la cagnotte vidée pour rembourser les créanciers, le problème reste intact. À l'automne, en Italie, les étudiants montaient en haut du Colisée, de la tour de Pise, pour réclamer « un futur et un travail ». « Avec nos études, on pourra améliorer la fabrication et rendre notre économie plus efficace », confiait un étudiant à l'Humanité dans le cortège d'une manifestation nationale des métallurgistes. Ces derniers demandaient, eux, qu'on en finisse avec la course aux bas salaires, et que « les actionnaires investissent dans l'innovation, dans une production propre ».

Il faut encore écouter ces aspirations, qui dessinent un nouveau modèle de croissance, une nouvelle civilisation. Quels emplois proposer quand le niveau de qualification augmente ? Comment construire une économie efficace, débarrassée de la domination des marchés financiers ? Répondre à ces questions est le seul moyen d'en finir avec le cycle infernal de la dette.

C'est aussi une formidable remise en cause de la construction européenne actuelle. Celui qui impose l'austérité à tous. Les salariés allemands, dont les salaires stagnent depuis dix ans, en savent quelque chose. Cette construction cantonne certains peuples à la marge. La main invisible du marché est la main sans entrave du capital des pays dominants pour piller l'industrie des pays périphériques. La création de la monnaie unique a renforcé la spécialisation des économies. Pendant que l'Allemagne renforçait son industrie manufacturière, la Grèce, l'Italie, l'Espagne, le Portugal sont entrés dans un processus de désertification industrielle. Les pays du

« Club Med » sont cantonnés à des activités peu productrices et peu exportatrices, comme le tourisme ou la construction. L'UE doit redonner à tous, aux citoyens comme aux pays, leur dignité et leur place. Faute de quoi on parlera d'un énième sommet de crise.

(source l'Humanité)

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