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Vendredi 22 Juillet 2011:
Éditorial Constat de faillites Par Patrick Apel-Muller Les flammes commençaient à lécher les frontières des grands pays de l'Union européenne ; il fallait bien que Nicolas Sarkozy et Angela Merckel trouvent un accord sur la dette grecque. Suffira-t-il ? Rien n'est moins sûr. Les mesures arrêtées viennent trop tard comme si les dirigeants européens reculaient pied à pied mais sans plus pouvoir résister à la pente. Ils finissent par accepter ce qu'ils refusaient hier avec hauteur et qui se situe largement en dehors des clous de ce que prévoyaient les traités de Maastricht et de Lisbonne. Le monde libéral idéal qu'ils prétendaient dessiner se dissipe : il s'avère convulsif, implacablement vorace et destructeur. Sa crise est devenue endémique et ses poussées de fièvre à peine calmées par les potions de la Commission et des chefs d'État. Si, après l'avoir tant décriée, l'intervention publique devient de mise pour Bonn et Paris, elle reste enserrée dans les rets des marchés financiers. La transformation de dettes en obligations offrira à nouveau de juteux bénéfices à ces fonds mercenaires qui se précipitent, ici sur un dépeçage d'entreprise ou là sur le pillage d'une nation. Nous le prouvons aujourd'hui, madame Bettencourt, ses héritiers pressés et ses amis du CAC 40 n'ont pas tremblé hier. Les hedge funds où prospèrent leurs pactoles trouveront encore à croître et à multiplier au fur et à mesure que la facture de l'austérité sera présentée aux peuples. 91 % des revenus des 100 Français les plus riches proviennent d'actions et d'obligations... Alors qui s'engraisse sur les dettes d'État ? Qui bénéficie de la soumission des dirigeants européens à l'égard des marchés financiers ? Qui se frotte les mains quand les services publics sont bradés pour payer les aventures des banques et de gros intérêts ? Qui tire profit du report de la retraite, des bas salaires, des fins de mois qui commencent le 15, des baisses d'impôt sur le capital et la fortune ? Une commission parlementaire pourrait utilement enquêter sur le mauvais sort fait à notre économie et aux citoyens. Elle pourrait citer précisément les noms de ceux qui apportent leurs capitaux aux fonds pillards. On peut en avoir une petite idée en se souvenant que durant les quinze dernières années les patrimoines des 500 premières fortunes professionnelles françaises ont progressé six fois plus vite que la richesse nationale et que, de 2010 à 2011, le nombre des milliardaires français (en dollars) a augmenté de 16,7 % selon le baromètre Forbes. L'épée de Damoclès de la dette continuera à peser au-dessus de nos têtes tant que le pouvoir de nuisance des marchés financiers ne sera pas circonscrit et qu'une politique de croissance durable ne sera pas engagée. La banque centrale européenne, plutôt que de prêter à des taux ridiculement bas aux banques et aux spéculateurs, ferait mieux de réduire la dette en appuyant les États par une création monétaire et un fonds de développement qui parierait sur un nouvel âge industriel, social et écologique. L'Europe doit taxer les transactions financières et dégonfler les frais financiers qui gonflent les emprunts d'État. Plus généralement, devant la faillite de la construction européenne actuelle, il faut rebâtir une relation nouvelle entre les peuples d'Europe, qui allie les souverainetés populaires pour plus d'efficacité et de solidarité, qui privilégie l'intérêt général, au lieu de réserver les décisions aux cénacles libéraux qui peuplent Bruxelles. Il ne s'agit plus de gagner du temps mais de changer d'époque. (source l'Humanité)
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