> Presse  Carte d'identité biométrique : Un fil à la patte ?

 

Dimanche 17 Juillet 2011:

Carte d'identité biométrique : Un fil à la patte ?

Alliance police nationale.

Rémi Chemin

« Solution aux falsifications »

Quel est pour vous le principal atout d'une carte d'identité biométrique à puce ?

Rémi Chemin : « À chaque fois qu'on ajoute des éléments de sécurité supplémentaires on a moins de falsifications. Si la carte nationale d'identité devient biométrique, il y aura une conséquence directe : moins de vols de pièces d'identité, et cela réduira les cas de falsifications. Les documents seront plus difficiles à usurper.

Vous semblez attendre cette carte d'identité avec impatience ?

« Oui, la police est soucieuse d'apporter plus de sécurité. Donc tant que l'on nous apporte des moyens supplémentaires de le faire, nous sommes pour. Quand on voit que les téléphones portables sont en bonne voie pour remplacer les cartes de paiement, pour nous si déjà la carte d'identité est plus sûre, c'est toujours ça de moins. Et je pense que cela ne devrait pas gêner les gens. Nous avons un organisme qui s'assurera qu'il n'y aura pas de débordement et qui apporte un cadre rigoureux : la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) offre toutes les garanties aux gens. »

Vous dites que cette carte d'identité nationale biométrique ne peut être accusée de porter atteinte aux libertés individuelles. Pourquoi ?

« Aujourd'hui vous savez, les gens donnent d'eux-mêmes les informations liées à leur vie privée via des réseaux sociaux. On est passé à l'ère de l'Internet et chaque pays recherche de nouvelles techniques suite aux nouvelles attaques des délinquants. »

Sera-t-il nécessaire d'ajouter le contrôle d'iris ou un fichage d'ADN pour les papiers d'identité ?

« Déjà, on ne sait même pas si cette carte biométrique avec une ou deux puces et deux empruntes digitales verra effectivement le jour alors pour l'oeil ou l'ADN ça m'a l'air compliqué, ne serait-ce que sur le plan technique. Et je vous arrête tout de suite, la police ne pourrait pas utiliser de réserves d'empreintes que ce soit des passeports ou de cette éventuelle future carte. C'est pour cela que la CNIL existe. Même en cas de meurtre. Nous avons l'ADN et nos enquêtes à faire. »

Comment réagissez-vous face aux soupçons de « fichage de millions d'honnêtes gens » pour répondre à quelques milliers de cas de falsification ?

« Le passeport biométrique est déjà en service et tout se passe très bien. Certains disent déjà que cette pièce d'identité pourrait être utilisée à des fins commerciales à l'insu de son propriétaire mais elle sera bien encadrée alors je n'y crois pas. Le but, c'est plus de sécurité. »


Coprésident ATTAC France

Thomas Coutrot

« Un marché de dupes »

Le passeport biométrique existe déjà alors pourquoi s'opposer à la carte d'identité biométrique ?

Thomas Coutrot : « Ce n'est pas parce que c'est acquis pour le passeport qu'il faut se résigner.

Les documents biométriques répondent à des logiques policières et sécuritaires dans un cadre d'attentats terroristes pour renforcer la surveillance des États sur les citoyens. Attac n'est pas favorable à tout ce qui renforce le fichage des populations. Pour nous, c'est aller fondamentalement dans le mauvais sens. »

Le premier argument est-il de réduire le nombre de falsifications ?

« Il est possible que ces cartes soient plus difficiles à falsifier mais il faut un équilibre entre contrôle de l'État et libertés individuelles.

À ce rythme, il faudrait presque mettre un policier derrière chaque citoyen. Aujourd'hui on sacrifie les libertés à une quête irrationnelle de liberté. Or le problème d'insécurité relève plutôt de causes économiques et sociales.

Ils relèvent de la précarité, de l'incertitude, de la pauvreté, de difficultés, de l'absence de ressources de certaines personnes.

C'est comme pour le terrorisme, il ne tombe pas du ciel comme une malédiction, il a des causes sociales et humaines. »

La cartes biométrique ne serait pas, selon vous, une bonne réponse au problème de falsifications. Pourquoi ?

« Je ne dis pas cela. Ce qui n'était pas falsifiable hier pourra l'être demain. Mais, ce que nous constatons c'est que les documents biométriques collectant des données sur les personnes permettent peut-être aux politiques de donner l'impression qu'ils agissent alors qu'ils ont complètement abandonné le terrain économique et social.

La surenchère sécuritaire vise à faire oublier aux citoyens qu'on a abandonné le combat sur les causes de l'insécurité. Alors on va traiter la délinquance des pauvres, des voleurs de poules alors que de grands fraudeurs sont mis de côté. Aujourd'hui on parle de réduire les retraites, les prestations de chômage, et en échange on nous promet une sécurité policière améliorée.

C'est un marché de dupes. Et c'est d'autant plus illusoire qu'on réduit dans le même temps les effectifs

policiers. »

En 2005, ATTAC signait la pétition contre la carte d'identité nationale biométrique obligatoire mais aujourd'hui le projet de carte est relancé. Suscite-t-il des réactions chez les militants ?

« À l'époque, le gouvernement avait dû réviser sa copie à cause d'une mobilisation citoyenne.

Six ans plus tard, même sans révolte massive, il n'est pas sûr de pouvoir faire passer sa carte biométrique. »

(source Havre Dimanche)

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