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Mercredi 13 Juillet 2011:

 

Éditorial

L'Europe a besoin d'un plan B.

Par Paule Masson

« L'effort grec est insuffisant. » En quelques mots, tout est dit. Que tous ceux qui ont cru a son discours enrobé de bonnes intentions se le tiennent pour dit. Avec Christine Lagarde à la tête du FMI, les intérêts des marchés financiers seront bien gardés. La Grèce a déjà consacré 5 % de son PIB au rééquilibrage de sa dette. C'est colossal. L'économie du pays est en lambeaux et le poison fait son oeuvre. L'emploi, le pouvoir d'achat, les services publics, tout recule. Les cures d'austérité successives affaiblissent tellement la croissance que ce pays produit du déficit à tour de bras. Or, selon la Commission européenne, les intérêts exorbitants qu'il doit payer sur la dette expliquent 70 % de ce déficit. C'est l'impasse. Mais le FMI en redemande et débloque la cinquième tranche du prêt de 3,2 milliards si et seulement si la Grèce continue de scier la branche sur laquelle elle est assise.

Avec les mois de crise qui se sont écoulés, il est aisé de constater à quel point le remède est pire que le mal. Au Moyen Âge, quand les médecins pratiquaient la saignée, ils croyaient le remède efficace mais tuaient le malade à petit feu. La saignée des peuples d'Europe pour tenter d'éviter la contagion a déjà pour résultat de tuer dans l'oeuf la reprise économique. Après la Grèce, l'Irlande, l'Espagne, l'étau se resserre autour de l'Italie. On presse Sylvio Berlusconi d'accélérer la cadence. Le gouvernement italien s'exécute, le président du Sénat ayant annoncé hier qu'il allait proposer l'adoption du plan de rigueur d'ici demain. L'effet domino est aux portes du monde. Et le boomerang pourrait bien revenir d'Amérique, face à une crise de la dette américaine qui menace les États-Unis de cessation de paiement.

Les responsables européens ne parviennent pas à enrayer la spirale de la défiance du marché, précisément parce qu'ils restent soumis aux quatre volontés de la finance internationale. La plupart des gouvernements en Europe vouent un tel culte aux agences de notation (celles-là mêmes qui sont censées être visionnaires mais se sont montrées incapables de prévoir la crise en 2008) qu'ils sont en train de précipiter la chute. L'Italie, c'est un poids lourd de la zone euro. Si la Botte de l'Europe succombe, alors la porte s'ouvre à l'idée que plus personne n'est à l'abri. D'où la panique générale depuis deux jours, mais aussi la mise au goût du jour de sérieux questionnements sur la « stratégie Trichet ».

Le gouverneur de la Banque centrale européenne suggère la fuite en avant fédéraliste. Pour lui, la monnaie unique doit avoir son pouvoir politique unique, dont un ministre des Finances européen armé d'un droit de veto sur les politiques nationales. Après le pacte euro plus, un pas de plus serait franchi dans l'édification d'une camisole de force pour les États. Là ou l'Europe à besoin de coopération et de solidarité, il n'y aurait plus que contrainte et concurrence. Tout le logiciel est à revoir. L'Europe a vraiment besoin d'un plan B, compatible avec une ambition politique qui inverse le curseur de la réflexion, repense l'Europe à partir des besoins sociaux, des urgences écologiques et d'un autre horizon démocratique. Un simple aménagement de l'existant n'y suffira pas.

(source l'Humanité)

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