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Mardi 12 Juillet 2011:
Les mots et les bombes L'Éditorial de Michel Lepinay La partie de poker menteur a commencé. C'est logique, le dénouement militaire se faisant attendre en Libye, il va bien falloir négocier, sinon avec Kadhafi, du moins avec ses proches, et en particulier son fils Saîf Al-Islam, porte-parole du clan. C'est d'ailleurs ce dernier qui a semé la zizanie ce week-end en affirmant qu'il négocie directement avec la France. Et selon lui, Nicolas Sarkozy aurait lui-même souhaité que le régime libyen négocié directement avec la France, et pas avec le Conseil national de transition des insurgés, qui n'existerait pas sans elle et fera ce qu'aura décidé Paris... Désinformation ? Probablement. Mais le discours de propagande du fils Kadhafi a semé le trouble. Au sein même du gouvernement français, où il a fallu s'y reprendre à deux fois pour clarifier la position officielle. Premier temps, c'est le ministre de la Défense, Gérard Longuet, interrogé par des journalistes sur l'hypothèse d'un maintien au pouvoir de Kadhafi, qui répond d'une phrase assez ambiguë : « il sera dans une autre pièce de son palais, avec un autre titre... » On en déduit que le départ du tyran n'est plus une condition absolue à l'arrêt de l'intervention occidentale, et qu'il est en train de négocier avec Paris un compromis, pour sauver la face, sans quitter son palais. C'est en tout cas ce que semblent comprendre les Américains qui réagissent au quart de tour. « Pas de compromis, Kadhafi ne peut pas rester au pouvoir », rugit la Maison-Blanche. On pourra remarquer à ce stade que l'intransigeance américaine est sans grand risque puisqu'ils ne sont pas directement mêlés aux combats. Mais le coup de gueule de Washington provoque un rétropédalage immédiat à Paris par la voix d'un porte-parole, puis du ministre des affaires étrangères Alain Juppé, lui-même. Primo, on ne négocie pas directement avec Tripoli. Deuxio : « il faut maintenir la pression militaire jusqu'au départ de Kadhafi ». Il n'y a donc pas de changement dans la position française à la veille du débat au Parlement qui devrait consacrer la poursuite de l'intervention en Libye. Mais on sent bien que le doute s'insinue. L'intervention a déjà coûté 160 millions d'euros à la France, sans que l'on aperçoive clairement l'issue. Non seulement les insurgés ne paraissent pas capables de prendre rapidement Tripoli, mais leur capacité à organiser un après Kadhafi pacifique et démocratique n'est pas démontrée. Une solution négociée entre les différentes tribus, les insurgés, et le clan Kadhafi, dans une grande conférence nationale, constituerait sans doute la meilleure issue. Mais pour y parvenir, il faut bien prendre langue directement ou indirectement avec chacun, et donc avec le dictateur. Au risque de lui offrir prétexte à propagande et désinformation, et de paraître en échec face à lui. Décidément, mettre fin à la guerre est toujours plus compliqué que de la déclencher. (source le havre libre)
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