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Mardi 12 Juillet 2011:
Éditorial Chef de guerre Par Maurice Ulrich Il y a trois ans, à l'occasion du conflit armé entre la Russie et la Géorgie, Nicolas Sarkozy avait pu endosser avec un certain bonheur le costume d'artisan de la paix. On pouvait se douter que cela ne durerait pas. Voilà la France engagée sur deux fronts, en Afghanistan et en Libye. Pour cette semaine de fête nationale qui ressemble toujours plus à une fête militaire, « Sarkozy, claironne le Figaro, endosse les habits de chef de guerre ». Il n'y a pourtant pas de quoi plastronner. La présence française en Afghanistan à la remorque des Américains, dont le prétexte était la recherche de Ben Laden mais dont le véritable enjeu était géostratégique, n'a abouti à aucun progrès sensible dans cette région du monde. Soixante-trois soldats français y sont morts, le dernier hier. Combien de civils afghans ? Un retrait très progressif est annoncé. L'heure des bilans ne sera pas celle des victoires. En Libye, l'intervention de la France et de l'Angleterre, avec les États-Unis dans un premier temps, arrachée à l'ONU, avait un semblant de justification qui put un temps abuser l'opinion, y compris à gauche. Il fallait sauver les insurgés de Benghazi assiégés. Quatre mois après, le mandat de l'ONU est outrepassé depuis bien longtemps. L'objectif de l'Otan et non plus de l'ONU est devenu l'élimination de Kadhafi. Pour le remplacer par qui ? Par un conseil national de transition qui n'a plus rien à voir avec la direction d'une insurrection populaire mais qui est présidé par l'ancien ministre de la justice de Kadhafi, Moustapha Abdeljalil, artisan zélé avec un de ses proches, devenu son conseiller militaire, du sort qui fut réservé aux infirmières bulgares. Entre autres... Pendant ce temps chaque missile frappant Tripoli, avec ses dommages collatéraux, c'est-à-dire ses victimes civiles, ne peut qu'aller à l'inverse du but proclamé. Au passage les illusions sont tombées quant à la redoutable efficacité de nos frappes chirurgicales censées venir à bout d'un dictateur chancelant en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Quatre mois déjà, quatre mois pendant lesquels 160 millions d'euros sont déjà partis en fumée, alors que l'aviation française doit désormais acheter des munitions à l'Allemagne ! On pourrait logiquement attendre que le débat aujourd'hui à l'Assemblée nationale en tire les conséquences. Le soutien à l'intervention était monté jusqu'à 66 % chez les Français au début de celle-ci. Ils y sont aujourd'hui opposés à 51 %. Des voix s'élèvent pour dénoncer l'impasse, voire la duperie, et réclamer une solution politique comme celle, dans le Journal du dimanche, du général Desportes, directeur de l'École de guerre de 2008 à 2010. À l'Assemblée, les députés Verts et communistes vont demander un cessez-le-feu immédiat, la réunion d'une assemblée générale de l'ONU et l'organisation d'une conférence internationale. On peut s'étonner à ce stade que les députés socialistes semblent toujours en tenir pour la poursuite de la guerre quand ses justifications humanitaires et politiques ont fait long feu. Comme s'il s'agissait de se montrer aussi ferme que le pouvoir ! Du côté du pouvoir justement, le ministre de la Défense, Gérard Longuet, parlait dimanche de cessez-le-feu, de compromis entre les deux parties et de règlement politique. C'est un ton nouveau, qu'il faut sans doute prendre en compte. On peut parier que le basculement de l'opinion n'y est pas pour rien, mais on attend des actes. Les positions de l'UMP a l'Assemblée indiqueront le crédit qu'il faut accorder aux propos du ministre. (source l'Humanité)
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