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Mercredi 6 Juillet 2011:
Éditorial Franchement, il y a de quoi être indigné Par Paule Masson Une information chasse l'autre et ce qui brille un jour retombe le lendemain dans les ornières de l'anonymat. Bien que leur mouvement soit loin d'avoir quitté la scène publique, les « Indignados » sont délaissés par les grands médias, mis au rancart par un mariage princier, effacé par les rebondissements de l'affaire DSK... En Espagne, pays où s'est enraciné ce mouvement, ils ont quitté la Puerta del Sol. Pour mieux occuper la ville, ses rues, ses quartiers, devenir une pointe avancée de ces révoltes urbaines si caractéristiques du moment. Indignez-vous ! Stéphane Hessel lui-même ne pouvait pas imaginer la portée de son cri, de cet appel à résister lancé depuis le plateau des Glières, qui, pour beaucoup, a libéré la critique et laissé éclore l'envie de ne plus prendre pour argent comptant les discours fatalistes. Comment croire encore à la légitimité d'un système qui a déclenché une des plus graves crises économiques de l'histoire et nous promet déjà que la suivante sera plus violente. Elle est loin la promesse d'un âge d'or du capitalisme, où l'autorégulation du marché devait mécaniquement réduire les inégalités sur la planète. « Nos gouvernants ont décidé de mettre à genoux les peuples au lieu de faire payer les banques », dénoncent les Indignés. « Nous ne paierons pas la crise », clament les salariés européens avec leurs syndicats. Au Royaume-Uni, les fonctionnaires engagent un mouvement de grève historique contre la réforme des retraites, copie conforme de celle de Sarkozy. En Grèce, les spéculateurs achètent les services publics et le peuple passe à la caisse. Franchement, il y a de quoi être indigné ! Le libéralisme est encore puissant. Mais ses recettes éculées laissent aujourd'hui un goût amer. Le manque d'alternatives masque à quel point le capitalisme est à bout de souffle et avec lui, le système de représentation qui le fait vivre, très souvent,trop souvent, présenté comme étant le sel de la démocratie. La primaire organisée par les socialistes pour désigner leur candidat à la présidentielle pourrait devenir un nouvel épisode de cette panne démocratique. Le processus qui, nous a-t-on promis, devait redonner des couleurs à la démocratie, vire à la politique spectacle. Les hoquets permanents autour de la candidature, ou non, de DSK cèdent à la tentation de placer son destin entre les mains d'un homme providentiel. La présidentielle, nous rabâche-t-on, c'est la rencontre entre un peuple et un candidat. Peu importe le fond, le projet, la réflexion collective, les échanges citoyens sur les alternatives à la crise... Relégués au second plan, les nécessaires débats, par exemple sur un meilleur partage des richesses. Si le PS pense pouvoir s'en tirer en agitant le spectre de l'antisarkozysme, il prend un très gros risque. La gauche ne peut plus se contenter d'un appel au vote utile. Elle doit montrer sa capacité à s'émanciper des marchés. Et du FMI. C'est une des conditions qui pourraient permettre à la politique de se reconnecter avec la vie des gens, avec les citoyens eux-mêmes, en tant qu'acteurs. Pas en spectateurs. Le printemps des peuples, des pays arabes à l'Europe, nous prévient déjà que rien n'est écrit. (source l'Humanité)
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