> Presse  Un salarié au SMIC n'a jamais « coûté » aussi peu cher depuis 50 ans !

 

Lundi 4 Juillet 2011:

 

Un salarié au SMIC n'a jamais « coûté » aussi peu cher depuis 50 ans !

Sur le SMIC, le seul « coup de pouce » est venu de la Commission européenne... et il était pour les patrons. La vénérable institution prétend que le SMIC français présente un « coût trop élevé ». La droite, qui refuse toute véritable hausse du SMIC depuis 5 ans, en a profité dans la foulée pour repousser l'indexation légale due à l'inflation, prévue pour le 1er juillet, au mois suivant (1). Pourquoi un tel acharnement alors que tous les arguments avancés sont faux et archifaux ?

Fossoyeur d'emplois, briseur de croissance... Droite et patronat ont entonné leur ritournelle favorite pour dénoncer les effets pervers du SMIC. Pour le premier ministre, François Fillon, augmenter le salaire minimal serait une « faute économique », qui « induirait une hausse du coût du travail, donc du chômage ». Grand adepte des solutions radicales, l'économiste ultralibéral Pascal Salin propose carrément de supprimer le SMIC, persuadé que le « chômage baisserait beaucoup ». Mais c'est la Commission européenne elle-même qui a tiré la première salve, jugeant le salaire minimal français « trop élevé ».

Cet acharnement du gouvernement français et des libéraux n'est pas nouveau. Toujours soucieuse de défendre les intérêts du patronat, la droite au pouvoir s'aligne sur les positions du MEDEF, dont l'hostilité à l'égard du SMIC est connue. Sur quoi se fonde-t-elle ?

Argument numéro 1 : augmenter le SMIC, c'est augmenter le « coût » du travail, donc nuire à l'emploi. « C'est le raisonnement le plus simpliste de l'économie orthodoxe, Raille Pierre Concialdi, économiste. Depuis 1993 et les premières exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires, toute la politique a consisté à abaisser le coût de la main-d'oeuvre pour dynamiser l'emploi. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça n'a pas fonctionné. » De fait, les effets bénéfiques de cette stratégie n'ont jamais été clairement démontrés en matière de créations nettes d'emplois. Son coût, en revanche, ne fait plus débat : plus de 21 milliards d'euros pour les seules exonérations de cotisations patronales en 2011, contre 3 milliards en 1993. En 2006, la Cour des comptes s'en était prise au dispositif dénonçant un « coût trop élevé » pour une « efficacité quantitative trop incertaine ».

À l'inverse, augmenter le SMIC provoquerait-il le séisme dépeint par les libéraux ? Non, répond l'IRES (Institut des recherches économiques et sociales), qui a mesuré le rapport entre le « coût » du smicard et sa productivité horaire (2). Conclusion : en 50 ans, un smicard n'a jamais coûté aussi peu cher à l'entreprise ! Augmenter le salaire minimal de 20 % ramènerait ce ratio à ce qu'il était en 1970...

Impossible, assurent droite et patronat, pour qui une telle hausse ruinerait la compétitivité française. Cet argument est encore plus discutable que le précédent. Les salariés payés au SMIC sont surreprésentés dans des secteurs tels que la restauration rapide (deux travailleurs sur trois), les hôtels-cafés-restaurants (près d'un salarié sur deux) et les entreprises de propriété (plus d'un employé sur deux). Autant de métiers qui sont par définition peu exposés à la concurrence internationale et aux risques de délocalisation brandis par les libéraux. Difficile dans ces conditions de prétendre que nos emplois fileraient en Chine si l'on s'avisait d'accorder un

« coup de pouce » au SMIC !

Le dernier argument est de loin le plus savoureux. Pour François Fillon, toucher au salaire minimal aurait pour conséquence d'« écraser la hiérarchie des salaires ». La Commission européenne ne disait pas autre chose dans les « recommandations » qu'elle avait aimablement adressées à la France début juin, rappelant que « le salaire minimal français reste l'un des plus élevés de l'Union européenne par rapport au salaire médian ». « À qui la faute ? Ce n'est pas le SMIC qui a trop augmenté par rapport au salaire médian, c'est le salaire médian qui a stagné ! » Corrige Pierre Concialdi. Qui rappelle que la part des salaires dans la valeur ajoutée n'a jamais été aussi faible en 30 ans (65 % aujourd'hui, contre près de 75 % en 1982, selon l'INSEE). Et que les gains de productivité n'ont jamais aussi peu profité aux salariés.

« La vérité, c'est que les entreprises ne veulent pas toucher à leurs marges, enchaîne l'économiste Michel Husson. Dans une crise, la production baisse toujours plus vite que la masse salariale, ce qui entraîne une érosion des marges. Désormais, la préoccupation première des patrons est de les restaurer, quel qu'en soit le coût pour les salariés. »

Cyprien Broganda

(1) Le SMIC est revalorisé une première fois dans l'année, le 1er janvier. Cette indexation se fait en additionnant la hausse des prix et 50 % de celle du pouvoir d'achat du salaire horaire de base ouvrier. Toutefois, si en cours d'année l'inflation atteint 2 %, une deuxième revalorisation a lieu. Le seuil devrait être franchi le 1er juillet, mais le gouvernement a décidé d'attendre encore un mois. Motif ? L'inflation n'a été « que » de 1,9 %. (2) « La France du travail », Éditions de l'Atelier, 2009.

(source l'Humanité Dimanche)

  haut de page