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Dimanche 3 Juillet 2011:

 

Si la répression renforçait le mouvement ?

Malgré l'ampleur du dispositif policier, le syndicat du public et les indignés persévèrent dans leurs rendez-vous de lutte anti-austérité sur la place Syntagma.

Athènes, envoyé spécial.

Une forte odeur piquait le nez des passants hier après-midi dans le centre d'Athènes. Celle des gaz irritants qui, au cours de la journée du 29 et de la nuit avaient été propulsés sur les manifestants grecs et les Indignés qui campaient, depuis 36 jours, sur la Syntagma.La place de la Constitution et à ses alentours portaient les stigmates de la guérilla urbaine à laquelle s'étaient livrées les forces de l'ordre et une poignée de provocateurs : vitrines détruites, bureau de poste situé au rez-de-chaussée du ministère des Finances incendié, pavés déterrée... « Le gouvernement avait un objectif : attaquer le mouvement populaire, semer le chaos pour décourager les gens de se rendre sur Syntagma », explique Cristos, qui participe au mouvement des Indignés depuis le premier jour, le 25 mai. « Nous sommes inquiets, désespérés. Allons-nous continuer à nous battre ? » s'interroge Margarita. Pour elle, « Les mesures sont passées. Mais les Grecs ne peuvent pas les endurer ».

En 2010, les salaires ont en effet baissé de 20 % dans la fonction publique, les contrats des salariés du privé ont été précarisés, le chômage augmente. Pourtant, le Parlement grec a voté hier, pour la deuxième fois en deux jours, en faveur d'un plan qui va imposer quatre ans d'austérité supplémentaire en échange d'un prêt de l'UE et du FMI afin d'éviter la « faillite » du pays. 155 députés sur les 296 présents se sont prononcés en faveur de la loi d'application qui détaille sur ce plan cadre draconien.

Les Grecs se rassemblent de nouveau

Cristoforos est assis sur le bord d'une fontaine, au milieu de l'avenue Ermou. Il était déjà là, la veille, avec son fils chômeur. « C'est une honte, explique-t-il. Comment allons-nous vivre ? Je suis conducteur d'un camion benne. Avant,  je gagnais 1300 euros brut par mois et les heures supplémentaires étaient rémunérées. Le patron m'a licencié... puis m'a repris : en CDD, sans sécurité sociale, à 1100 euros par mois, et nos heures supplémentaires ne sont plus payées ! » Que faire, alors ? « Ils vendent  la Grèce, il faut tous les virer. Ce n'était pas mon truc de dire qu'ils sont tous pourris. Moi, je suis de gauche mais pourquoi les députés du KKE, de Syriza ne sortent pas dans la rue, ne quittent pas leur poste ? Je vais continuer à me battre, on n'a plus rien à perdre de toute façon. »

Bien qu'il ait assisté à la destruction du campement des Indignés, Cristos garde espoir. « Nous avons repris la place, l'avons nettoyée. Ce qui est arrivé est une attaque à la démocratie, analyse-t-il. Nous vivons sous la dictature de l'austérité, de l'UE et du FMI. Mais notre détermination est intacte. Le mouvement va même, peut-être, se radicaliser. » Cette hypothèse, effectivement, ne peut être exclue. Convaincus qu'ils n'ont « plus rien à perdre », que les violences policières étaient « commandées et préméditées », comme le confient de nombreux citoyens dans la rue, les Grecs se rassemblent de nouveau. Hier soir, la vie des Indignés reprenait son cours sur Syntagma, où les groupes de travail se réunissaient dès 18 heures ; le syndicat du secteur public, l'Adedy, appelait à un rassemblement devant le Parlement.

Fabien Perrier

(source l'Humanité du vendredi 1er Juillet)

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