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Vendredi 1er Juillet 2011:

 

Le principe universel d'accessibilité tombe à l'eau

Les constructeurs de logements neufs pourront déroger à la règle de l'accessibilité pour les handicapés.

Il y a trois semaines à peine, lors de la conférence nationale du handicap 2011, ils étaient tous là, et ils étaient d'accord. Valérie Pécresse, Luc Chatel, Xavier Bertrand, Nadine Morano et même Nicolas Sarkozy. Roselyne Bachelot, la ministre des Solidarités, pouvait asséner tranquille qu'en matière d'accessibilité « les efforts à fournir sont encore importants mais notre détermination est intacte ! ». Permettez qu'on en doute. Il y a deux jours le Parlement a adopté une proposition de loi du sénateur UMP Paul Blanc, permettant aux constructeurs de bâtiments neufs de ne pas appliquer systématiquement les normes d'accessibilité aux handicapés. Une dérogation pourra être accordée si « Le maître d'ouvrage apporte la preuve de l'impossibilité technique de les remplir pleinement ». L'association des paralysés de France s'insurge de cette remise en cause du principe universel d'accessibilité, pourtant entérinée en février 2005 par la loi handicap : « Qu'on nous apporte d'abord la preuve qu'il peut y avoir une impossibilité technique de rendre accessible un bâtiment qui n'est pas encore construit ! » ironise Nicolas Mérille, responsable national en accessibilité de l'APF. Difficile en effet pour le sénateur Paul Blanc de prouver par l'exemple la nécessité de telles exceptions. Et de botter en touche par une pirouette sémantique : « Je n'ai jamais parlé de dérogations, mais d'aménagements. »

C'est certain, les aménagements manquent. L'accès, la circulation et la possibilité d'aménager le logement dans le futur, voilà les trois obligations légales pour toute construction neuve à ce jour. Et pourtant selon l'APF, c'est encore insuffisant pour bien vivre au quotidien. L'association demande donc qu'à ces obligations trois autres soient ajoutés : la présence d'une douche à l'italienne (sans bac), des toilettes suffisamment grandes pour permettre la rotation d'un fauteuil, et un évier évidé dans la cuisine. La lune ? « Mais est-ce bien nécessaire que toutes les nouvelles constructions disposent d'une douche à l'italienne ? » interroge Paul Blanc en guise de réponse. Le sénateur tempère : « Il n'y a pas de raison de s'inquiéter puisqu'il n'y aura pas de permis de construire délivré sans consultation du Conseil national de la personne handicapée et sans avis favorable de la commission d'accessibilité. » Les premiers concernés ont pourtant du mal à se sentir rassurés. C'est que l'histoire les oblige à la prudence. Nicolas Morille la rappelle : « La loi de 2005 est la troisième du genre, les deux premières, en 1975 et 1991, n'ont pas été appliquées, on est en droit de s'inquiéter de ce qu'ils sont en train de faire de la troisième. » Il faut donc, encore, augmenter : « Ces normes profiteront aussi aux personnes âgées, aux enfants, aux blessés temporaires... Alors que la population vieillit. C'est un bon calculéconomique. » Mais faut-il un tel argument pour obtenir l'égalité ?

Marie Bertin

(source l'Humanité)

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