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Vendredi 1er Juillet 2011:

 

Appétits d'Europe

Sacrée provocation de la part de la Commission européenne. À l'heure où l'on exige des mesures draconiennes d'austérité de la Grèce, du Portugal ou de l'Espagne, l'exécutif européen propose en revanche... d'augmenter son propre budget de 5 %. D'accord ce n'est pas pour demain, mais pour la période 2014 à 2020, pour laquelle la Commission s'octroierait volontiers près de 1100 milliards d'euros. La pilule sera difficile à administrer. Dès hier, les premiers à réagir ont été les Anglais et les Allemands, ces derniers jugeant, par la voix de leur ministre des Affaires étrangères, la proposition « nettement au-delà du supportable ». On peut supposer que les autres chefs d'État vont leur emboîter le pas. D'autant que la provocation de Bruxelles ne s'arrête pas là. Pour financer ses appétits, la Commission propose principalement deux mesures : l'instauration d'une taxe européenne sur les transactions financières et le transfert d'un point de TVA prélevée par les États. En clair, José Manuel Barroso et ses commissaires se proposent de lever un impôt européen pour financer l'Union. Parions que, pour une fois, le président de la Commission va faire un tabac auprès des parlementaires, en particulier de gauche. Mais cela pourrait ne pas suffire pour obtenir l'unanimité des États européens, nécessaire à l'adoption de nouvelles ressources propres. En tout cas, le pavé est dans la mare. D'abord dans celle de la finance internationale où l'idée de la création d'une taxe Tobin, comme le demandent depuis dix ans les altermondialistse d'Attac, met en transe les banquiers et les agents financiers de tout bois. Ensuite dans celle des États européens, dont aucun ne semble prêt à faire un pas de plus dans le sens de la politique commune. Et pourtant, si l'on veut une Europe capable de sauver ceux des siens qui sont en difficultés, une Europe qui impose la force de ses convictions face aux pressions des marchés, il faudra bien lui en donner les moyens. Si l'on veut que les eurocitoyens s'approprient enfin cette union à 27, il faut clarifier les rôles. Quel meilleur signal peut-on leur envoyer que l'établissement d'un prélèvement fiscal européen ? Les arguments contraires sont connus : si l'on instaure une taxe sur les transactions financières, les affaires se feront ailleurs, les banquiers vont délocaliser leurs opérations et donc il faudrait le faire partout, en même temps, pour que personne ne soit lésé. Les Anglais en particulier craignent pour leur City. Mais en attendant une improbable décision mondiale, l'Europe pourrait donner l'exemple. À moins que tout simplement les gouvernements ne soient hostiles à l'idée d'accroître les moyens d'une Commission en laquelle ils n'ont que modérément confiance pour mener les affaires de l'Europe... Mais comme ce sont ces mêmes gouvernements qui désignent les commissaires, après marchandages, ils ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes.

(source le havre libre)

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