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Jeudi 30 Juin 2011:

 

Éditorial

Éloge de la clarté

Par Maurice Ulrich

Bien, c'est fait. Martine Aubry est candidate à la primaire socialiste en ces termes :

« J'ai décidé de proposer ma candidature à l'élection présidentielle. » Ce ne pouvait être une surprise depuis que l'on savait DSK « empêché », mais l'attente a tout de même permis aux commentateurs avertis de spéculer pendant des jours sur son « envie ». Une manière de voir à l'échelle du microcosme. Les réactions de la droite hier ne se distinguent pas non plus par la hauteur de vue et, si elles ne sont pas une surprise, elles laissent parfois pantois par leur bêtise. Thierry Mariani, conseiller politique de l'UMP, retient qu'elle a annoncé sa candidature « dans une ancienne gare de marchandises désaffectée », ce qui est selon lui symbolique de la politique du PS. Pour Valérie Pécresse, « c'est une candidature du passé avec un programme du passé ». Pour Laurent Wauquiez, « elle est déjà à bout de souffle ». Comme si la droite pouvait justifier de telles réussites politiques et économiques qu'elle puisse s'autoriser à donner des leçons et affecter des airs supérieurs.

En réalité, l'opération était, comme on l'avait déjà compris, manipulée depuis l'Élysée avec de grosses ficelles. D'abord l'image d'un président changé et devenu « zen », l'un de ces « éléments de langage » que l'on a retrouvés bizarrement un peu partout. Ensuite un président en charge des affaires du monde, enfin un président dans l'action, à la fois dans le court et le long terme avec le grand emprunt. Voilà l'image que la droite entend donner de sa politique. Mais elle est toute autre, faite de manipulation, de cynisme et, pour l'essentiel, tournée vers les voix les plus à droite. Roms, immigrés, débat sur l'islam rebaptisé débat sur la laïcité, démagogie sécuritaire autour de la réforme de la justice et même des sanctions à l'école. Jusqu'aux petites opérations comme une remise de médaille à un ancien de l'OAS. Sur le fond, c'est toujours une politique au service de la finance et des plus riches.

Il n'empêche que l'UMP et son chef, en dépit des sondages toujours défavorables, ont très bien compris que, si la primaire du PS tourne, d'ici octobre, aux querelles et aux affrontements entre candidats, ils ont toutes leurs chances. Mais avec le triste spectacle que donneraient les leaders socialistes, ce n'est pas seulement le PS qui serait plombé, ce seraient la gauche et toute perspective de changement à gauche. Il serait illusoire, vain et dangereux de penser qu'une telle situation, si elle advenait et on peut le redouter, pourrait servir tel ou telle. Le candidat du Front de gauche comme le (ou la) candidat(e) écologiste. Ce n'est qu'avec de vrais débats, sur des programmes, des propositions alternatives, que la gauche, dans son ensemble, dans le respect des différences mais dans la recherche de convergences peut bâtir une véritable alternative.

Le Front de gauche comme les écologistes ont tout intérêt a ce que s'ouvre avec le PS de véritables débats sur les conditions du changement, pour que les électeurs votent en connaissance de cause, dans une claire conscience des enjeux et des choix portés par les uns et les autres. C'est le flou qui servira la droite et l'extrême droite en laissant le champ libre aux fantasmes et à la démagogie.

(source l'Humanité du mercredi 29 juin )

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