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Mercredi 29 Juin 2011:
Éditorial En campagne sous les lambris de l'Élysée Par Jean-Paul Piérot Quand la crise devient un argument électoral... Nicolas Sarkozy, hier à l'Élysée, nous a éclairés sur le jeu de l'esquive auquel il va se livrer à moins d'un an de l'élection présidentielle. Cherchant à échapper, autant que faire se peut, au jugement des Français sur son bilan, le chef de l'État a trouvé son joker : « La gravité de la crise a été sous-estimée. » Au moment où la Grèce est menacée de faillite, où l'Espagne et le Portugal sont plombés par la cure d'austérité et la montée du chômage, Nicolas Sarkozy tente de saisir l'aubaine sur l'air de « vous vous plaignez mais c'est pire ailleurs », et sur la menace pour la France d'entrer elle aussi dans les premiers cercles de l'enfer. La course au pire est engagée : les États du sud de l'Union européenne sont présentés comme l'avenir des autres pays en cas de refus par leurs peuples de la casse de la protection sociale, de la baisse des salaires et des pensions, de la suppression d'une grande partie des emplois dans le service public. Or c'est exactement ce qui s'est passé en Espagne, et qui indigne toute une jeunesse de Madrid à Barcelone. Les résultats des politiques antisociales ici et là sont invoqués pour justifier de nouveaux reculs sociaux ailleurs. Agiter un chiffon rouge pour détourner l'attention vers d'autres horizons ne suffit pas à faire oublier en France l'extension de la pauvreté, la hausse du chômage, l'anémie du pouvoir d'achat quatre ans après l'élection d'un homme qui s'était précisément autoproclamé « candidat du pouvoir d'achat ». Tout son quinquennat aura été dominé par un dévouement acharné à la cause des plus riches, dont la contribution au budget de la France a été réduite par la grâce du bouclier fiscal puis par le nouvel allégement de l'ISF. Ces manques à gagner sont récupérés sur les dépenses publiques, les postes de fonctionnaires, notamment d'enseignants. Mais effaçons tout, conseille François Fillon : « L'homme de 2007 n'est plus tout à fait celui de 2011. » Et l'homme en question est bel et bien entré en campagne hier sous les plafonds lambrissés de la salle des fêtes de l'Élysée. L'occasion choisie était le grand emprunt et la date retenue le jour de l'ouverture des dépôts de candidatures pour la primaire socialiste et la veille de la déclaration de Martine Aubry. Une opération de communication purement électoraliste : il s'agit de raconter l'histoire d'un président tout en tension pour résoudre les crises, d'Athènes à Tripoli, alors que le PS tente de se déterminer sur la personne qui portera ses couleurs à la présidentielle. La gauche se saisira-t-elle de la saillie de Nicolas Sarkozy contre « ceux qui voudraient revenir sur la suppression d'un fonctionnaire sur deux, sur la réforme des retraites et sur la règle d'or » qui remet en cause la souveraineté du Parlement dans le domaine budgétaire ? Ce sont là des lignes de fracture fondamentales entre la droite sans complexe et tous les citoyens attachés aux services publics, à la protection sociale et à la souveraineté populaire. Si du côté du Front de gauche, l'opposition ne souffre d'aucune ambiguïté, le PS de son côté peine à convaincre de sa volonté de rupture. Il y va pourtant de l'enjeu de 2012 : arrêter le massacre social et fermer définitivement la parenthèse ouverte en 2007. (source l'Humanité)
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