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Mardi 28 Juin 2011:

 

Éditorial

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Par Michel Guilloux

Ces jours-ci, la « concurrence libre et non faussée », mantra de l'Europe néolibérale, déploie ses effets dans toute sa splendeur de trompe-l'oeil. Appliquée à la santé, elle en acquiert une pureté quasi cristalline. Au nom de la « sécurité » des examens, bien sûr, est institutionnalisée dans les laboratoires d'analyses médicales une concentration sans précédent d'ici trois ans. À y regarder de plus près, que constate-t-on : le savoir-faire nié de professionnels de santé, le patient ravalé à un code à barres, et les revenus financiers des groupes acquéreurs gonflés en proportion. Après le rachat des cliniques privées par des fonds de pension et l'hôpital public mis en coupe réglée, un plan de société s'écroule sous les coups de boutoir de la sacro-sainte rentabilité, si possible à deux chiffres, qui, des usines à la grande distribution en passant par les banques, ravage tout par sa dictature.

Le sommet européen de la fin de semaine a coïncidé avec la désignation du nouveau président de la Banque centrale européenne. Ce sera l'Italien Mario Draghi, poussé par Berlusconi et soutenu par Nicolas Sarkozy. On n'aurait pu mieux choisir. Ce monsieur n'a-t-il pas présidé aux destinées européennes de la banque Goldman Sachs ? Celle par qui la crise des subprimes est arrivée et qui, comme tant d'autres sur la planète finance, une fois renflouée, repart de plus belle dans ses opérations spéculatives ? À l'heure où la Grèce est sommée de n'avoir pour seule alternative que la ciguë ou la saignée, le signal est clair. La conception de l'Union européenne que portent ses chefs d'État et de gouvernement ne variera pas d'un iota : les banques ont-elles spéculé à la fois sur des marchés dangereux et sur des « outils » pariant sur la dégringolade de ceux-ci ? Aux peuples de payer l'addition. Se sont-elles mises à spéculer sur les dettes publiques ainsi créées, grâce à des taux complaisants de ladite Banque centrale ? Aux peuples de payer, par des sacrifices sans précédent, de la Grèce au Portugal, et par une superaustérité implacable, comme la France. Se sont-elles ensuite ruées sur les denrées alimentaires, céréales et riz, pour y puiser de nouveaux profits ? Aux peuples de payer, encore une fois, ceux du Sud par la famine, ceux du Nord par l'étranglement du pouvoir d'achat.

À droite, l'imagination n'est décidément pas au pouvoir. Le ministre de l'Industrie, quelques jours après avoir de nouveau témoigné de son impuissance volontaire en ce domaine, dans le dossier PSA de projets éventés de fermetures des usines du Nord et d'Aulnay-sous-Bois, ressort le discours velléitaire du chef de l'État à Toulon, en septembre 2008, comme référence du bilan auquel il travaille pour la future campagne électorale du candidat sortant. Les Françaises et les Français seront juges de ce qu'ils subissent depuis. Face aux appels au repli populiste, ils savent, de quelque génération qu'ils soient, ce qui ne peut plus durer. Comment travailler, du labo de proximité ou de l'usine menacée, au sommet de l'État et aux bureaux bruxellois, à révéler et mettre en accusation la logique, identique et unique, mise en oeuvre ? Comment lier, dans chaque lutte, chaque mouvement, pour l'emploi, pour la santé, pour l'école, la dénonciation de l'insupportable à la mise en mouvement d'un autre mode de développement ? L'ampleur de la défaite nécessaire de cette droite et, surtout, de ses idées sera à l'aune des réponses apportées à ces questions.

(source l'Humanité)

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