> Presse —« Rendre visibles les invisibles » : le credo d'une campagne partagée |
Vendredi 24 Juin 2011:
« Rendre visibles les invisibles » : le credo d'une campagne partagée Le candidat du Front de gauche à l'élection présidentielle de 2012 veut profiter de la campagne pour redonner la parole au « monde ouvrier et employé » qui est « majoritaire mais exclu de toutes les formes de représentation ». Le premier objectif, précise-t-il, « c'est un peuple plus rassemblé et conscientisé, avec des objectifs de combat vécus et partagés ». HD. Comment analysez-vous le résultat du vote des militants communistes ? Jean-Luc Mélenchon. Comme un acte de courage et de lucidité. Nous devons tous sortir de nos routines pour affronter la crise historique du capitalisme qui se déroule sous nos yeux. Ce n'est jamais facile. Les militants communistes l'ont fait et leur décision ouvre la voie à un rassemblement d'une ampleur inédite qui sera l'instrument de tous ceux qui sont prêts à affronter les puissances financières.
HD. Ce vote confirme un certain nombre de réticences... Comment comptez-vous les dépasser ? Chercherez-vous à convaincre ceux qui n'ont pas voté pour votre candidature ? J.-L. M. Je ne partage pas votre analyse. Le vote est net et la participation jugée massive par les dirigeants communistes qui en sont les meilleurs juges. De plus, les militants qui ont voté pour André Chassaigne avaient bien d'autres raisons de le faire que d'exprimer une réticence à mon égard ! Croire le contraire, c'est réduire le combat politique à une guerre des ego. Cette vision sert les libéraux qui prétendent justement tout fonder sur la compétition des individus. Il faut regarder le fond des choses et des idées. Une très grande majorité des militants du PCF a fait le choix du Front de gauche et je serai désormais leur candidat, quel qu'ait été leur vote. HD. Parmi les « citadelles de routine et de conformisme » que vous avez récemment citées, figure celle du « vote utile »... Parviendrez-vous à la bousculer ? J.-L. M. Je ne sais pas. Je me bats pour. On ne s'engage pas pour un résultat mais pour une cause. En tout cas, au Front de gauche. HD. Quels sont les points que vous voulez rendre visibles dans cette campagne ? J.-L. M. Je souhaite rendre visibles les invisibles. Le peuple aux 1000 visages qui est la vraie élite de ce pays. Les travailleurs qui en sont la richesse. L'intérêt général que l'on moque et qui doit pourtant triompher. Le temps long des équilibres écologiques aujourd'hui occulté par le temps court du profit financier. L'exigence de souveraineté populaire qui est piétinée par le pacte euro plus et tant de décisions européennes. HD. Certains affirment qu'on ne peut pas porter d'alternative de gauche sans être antisocialiste ? J.-L. M. Quelle caricature ! Heureusement que le choix n'est pas entre renoncer à porter une alternative de gauche ou être antisocialiste, comme veulent le faire croire les tenants du bipartisme. Le Front de gauche ne règle aucun compte. Nous proposons une voie autonome et nouvelle. Nos propositions résisteront à ces procédés et il faudra bien que l'on nous réponde sur le fond. HD. Selon vous, la « chimie » du Front de gauche, c'est « son union et sa diversité ». Face au risque de personnalisation induit par la présidentielle, comment faire fonctionner cette chimie ? J.-L. M. Le Front de gauche est justement en train d'approfondir son union, avec la décision des communistes et le programme partagé, et de renforcer en même temps sa diversité en accueillant trois nouvelles organisations. La présidentielle ne nous condamne pas au rabougruissement ou à la dispersion. Pas davantage que chacune des campagnes législatives que nous mènerons par définition autour d'un candidat. Nos candidats sont des porte-parole au service du rassemblement. Nous pouvons le faire car le Front de gauche possède une singularité absolue dans le paysage politique : le rassemblement populaire est sa finalité même. HD. Quelle place aura le monde du travail dans la campagne ? J.-L. M. Mon premier déplacement a été à Marseille chez Fralib, auprès de travailleurs qui veulent reprendre en coopérative leur usine menacée de délocalisation. J'ai voulu que notre campagne donne à voir la lutte des travailleurs qui défendent l'intérêt général. Le monde ouvrier et employé est majoritaire mais il est exclu de toutes les formes de représentation, à l'exception du syndicalisme. On ne le voit jamais à la télévision et même le CSA a dû le reconnaître. Notre campagne électorale devra aussi contribuer à mettre le monde du travail en pleine lumière. HD. Un sondage du «JDD » vous donnait 2 % d'intentions de vote chez les ouvriers. Comment les convaincre ? J.-L. M. Comment pouvez-vous croire de tels sondages ? Ils vont à l'inverse de ce que nous constatons sur le terrain. Je vous signale que même les sénateurs UMP se sont émus des manipulations que permettent les sondages et ont adopté, contre l'avis de Sarkozy, une proposition de loi qui imposerait aux instituts de produire les chiffres bruts avant redressement. Je ne commenterai donc les sondages que lorsqu'ils auront répondu à cette exigence minimale de transparence et de scientificité. Sachez aussi que nous ne raisonnons pas en termes de parts de marché. Le Front de gauche est le seul à défendre la hausse des salaires, garantir la retraite à 60 ans à taux plein, lutter contre le libre-échange qui casse l'emploi. Nous ne faisons pas ces propositions pour gagner des voix chez les ouvriers mais parce que c'est l'intérêt du pays. Chacun choisira en conscience. HD. Quel est l'objectif ? Placer le Front de gauche au second tour ? J.-L. M. Dans cette hypothèse, j'ajoute que notre objectif serait de l'emporter ! Le premier objectif du Front de gauche, c'est un peuple plus rassemblé et conscientisé, avec des objectifs de combat vécus et partagés. Il n'y a pas de limite à notre ambition et nous n'intérioriserons pas celles dans lesquelles on veut nous enfermer. Notre ambition, c'est évidemment 51 %. Ensuite tout score à deux chiffres nous va. HD. Si vous aviez à dire aux Français : « Ce que vous pouvez attendre de nous c'est... » Que proposeriez-vous ? J.-L. M. Nos premières mesures viseront à leur permettre de reprendre le pouvoir. Nous titulariserons immédiatement les 800 000 précaires de la fonction publique et fixerons des quotas maximum de 5 et 10 % de travailleurs précaires dans les entreprises privées. On ne peut pas s'impliquer lorsque l'on est écrasé par la peur du lendemain. Et nous convoquerons une Constituante pour rendre le pouvoir au peuple. Propos recueillis par Jean-Pierre Champiat (source L'Humanité Dimanche)
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