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Mardi 21 Juin 2011:

 

Éditorial

Tout doit disparaître !

Par Jean-Paul Piérot

Il y a un an, en juin 2010, plus de dix mille citoyens (militants syndicaux, élus, économiste...) faisaient leur un appel lancé par l'Humanité en faveur d'une véritable solidarité avec le peuple grec. Alors que l'Union européenne, faisaient-ils valoir, avait soutenu le système bancaire affecté par la crise financière de 2008, avec des prêts à taux extrêmement bas, la Grèce devait bénéficier de conditions aussi favorables. C'était une revendication juste et logique, largement partagée, mais elle se heurte cependant au dogme libéral, socle de l'actuelle Union. Or il est illusoire de penser que la Grèce trouvera une issue positive à la crise de la dette publique en ayant recours aux marchés financiers. Il est grand temps de briser le tabou de l'indépendance de la BCE. Instrument de la politique monétaire de l'UE, soumise aux autorités politiques, elle pourrait sortir la Grèce du marasme au moyen de la création monétaire, l'aider à recouvrer une efficacité économique qui lui permette de rembourser ses dettes. C'est une question de choix et de volonté politiques.

Or le choix retenu et la volonté martelée depuis un an par les dirigeants européens et le Fonds monétaire international achèvent de ruiner la confiance des peuples non seulement dans les institutions européennes mais dans l'idée même du projet européen. Au nom de l'Europe libérale, qui a toujours été présentée par ses promoteurs, de droite comme de gauche, comme un paysage avenant de progrès et de démocratie, on baisse en Grèce les salaires de 20 %, on retarde l'âge de la retraite, on supprime les congés payés, on licencie les fonctionnaires. Mais comme cela ne suffit pas à « rassurer les marchés financiers », on organise une grande braderie de tous les biens publics. À vendre ! Tout doit disparaître : les chemins de fer, les ports, l'énergie, les plages !...

Au nom de l'Europe libérale, on enjoint un gouvernement et un Parlement à saigner leur peuple pour le prix d'un versement d'une tranche de 12 milliards du prêt de 110 milliards annoncé en mai 2010. Quant au gouvernement de Georges Papandréou, il préfère se faire le relais du FMI auprès de l'opinion plutôt que de s'appuyer sur la mobilisation des syndicats, de la gauche, de tous les indignés d'Athènes à Thessalonique, pour résister. Dans l'antique cité qui vit naître la démocratie, le Parlement s'apprête à adopter un plan rejeté par l'immense majorité des citoyens.

Il y a un an, nous pressentions que la Grèce n'était que le premier vaisseau dans le naufrage annoncé. Aujourd'hui le programme essorage a commencé en Espagne, au Portugal, en Irlande. La zone euro est dans la tourmente et déjà des voix se font entendre qui préconisent l'amputation des « membres malades ».

Face à des gouvernements et une Commission qui se comportent en naufrageurs, l'heure n'est pas au démembrement, au repliement sur soi ni au retour à la drachme, à la peseta ou à l'escudo, mais à la solidarité entre tous les indignés que nous sommes, d'Athènes, de Madrid et de Paris pour bâtir les fondations d'une autre maison européenne.

(source l'Humanité)

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