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Lundi 6 Juin 2011:

 

Au Portugal, la « génération galère » s'oppose au vote FMI aux législatives

Baisse des retraites, des dépenses de santé, des allocations chômage, privatisations... Voilà à quoi se sont engagés les trois principaux partis portugais (PS, PSD et CDS) auprès des instances européenne et du FMI en l'échange d'un prêt de 78 milliards d'euros au Portugal. À la veille des législatives du 5 juin, les indignés qui manifestent dans Lisbonne au cri de « FMI dehors ! » réclament un véritable choix politique.

Envoyée spéciale, Lisbonne.

« Notre lutte est internationale, Espagne, Grèce, Portugal. » Après avoir manifesté autour de la place du Rossio, près de 300 Lisboètes ont débuté leur assemblée générale quotidienne. Depuis fin mai, des étudiants, des chômeurs, des précaires, des travailleurs, des retraités se retrouvent sur ce lieu central de la capitale portugaise. « FMI = faim, misère et injustice. Nous ne payerons pas cette dette », peut-on lire sur l'une des nombreuses pancartes qui recouvrent le monument dominant le campement de l'indignation. À l'image des indignés espagnols. Les installations sont vulnérables mais les campeurs s'organisent. Au bord du gouffre économiquement, le Portugal est sur le point de rejoindre la Grèce et l'Irlande. Les boys du FMI et de la Banque centrale européenne y ont débarqué en fanfare. Sur le plan social, le pays est nerveux, même si la foule de la place du Rossio est bien plus disparate que sur la Puerta del Sol, en Espagne. Le ressentiment, lui, est identique.

« Notre revendication est la démocratie, véritable, résume Vera Maçeira. Ici, certains sont militants de partis, d'autres non, mais personne ne dirige personne. » Le problème de fond, assure la jeune femme, « ce sont ces partis politiques qui décident sans notre avis, de faire venir dans le pays l'OTAN et le FMI ». À la différence de sa voisine espagnole, c'est la rue portugaise qui a mis un terme à la dictature de Salazar. La « révolution des oeillets », en 1974, a cherché à bâtir une nouvelle société sur les ruines des vieilles structures de l'État. Avec succès. Mais comme en Espagne, ces dernières décennies ont été synonymes de reculs sociaux et démocratiques sous la conduite des gouvernements, socialiste comme de droite. Cette alternance sans alternative est à l'origine du désaveu ambiant en dépit de l'existence active des syndicats, du Parti communiste et du Bloc de gauche. Mais la suprématie des formations dominantes – PS, PSD (sociaux-démocrates, droite), CDS (droite) – semble l'emporter sur tout autre considération. « Ils sont virtuellement identiques », assure Carlos, un jeune Espagnol qui travaille depuis deux ans au Portugal. « L'idéal du bipartisme est de toucher sa part du gâteau du système financier sans se soucier des conséquences. » Certes, les campeurs de la place du Rossio sont peu nombreux, et peu représentatifs d'une société portugaise assommée par la crise et les difficultés quotidiennes. Le mécontentement ne se traduira donc pas automatiquement dans les urnes, lors des législatives du 5 juin, où PS et PSD se disputent le leadership dans les sondages. Mais un signal est donné. Depuis plusieurs mois d'ailleurs les jeunes condamnés à la case précarité ont donné massivement de la voix. Se sont organisés sur le Net. Et ont imposé un débat sur cette forme d'exploitation généralisée (1,2 million dont 65 % de jeunes). « La politique est responsable de la situation économique, affirme Carlos. C'est pour cela qu'il faut réformer le système politique et obliger le gouvernement à nous écouter. » Vera aussi veut y croire, et soutient qu'il ne s'agit là que d'un début : « S'ils ne nous laissent pas rêver, nous ne les laisserons pas dormir. »

Cathy Ceïbe

(source L'Humanité Dimanche)

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