Dimanche 29 Mai 2011:
Direction du FMI Lagarde super candidate ?
« Un consensus »
En quoi peut-il être important d'avoir un directeur du FMI d'origine européenne ?
Bernard Deladerrière : « L'Europe traverse en ce moment une crise économique et financière. Des pays comme l'Islande, le Portugal, l'Espagne, la Grèce et même la France, ne sont pas loin d'une situation que l'on pourrait qualifier de précaire si ce n'est difficile.
Le FMI, quand il était dirigé par Dominique Strauss-Kahn, n'avait jamais autant soutenu les pays européens. Et on peut penser que placer une personne européenne à la tête du FMI sera plus à même de perpétuer le sauvetage en cours.
Le pays d'origine du candidat n'est donc pas sans conséquences. »
Christine Lagarde est-elle si bien perçue par les partenaires européens ?
« Il faut croire que oui. La candidature de Christine Lagarde n'est pas seulement soutenue par le président Sarkozy qui n'a pas manqué de la mentionner jeudi au sommet du G8. Elle est encouragée par d'autres pays. Cela prouve que le jog n'est pas si évident que cela.
Les Allemands avaient deux candidats dont un ancien ministre de l'économie et un ancien gouverneur de la banque allemande. Pourtant, la chancelière Angéla Merkel n'a pas jugé opportun de leur apporter son soutien. Il faut dire que l'image de l'Allemagne a été quelque peu entachée par l'épisode de la crise en Grèce. »
La crédibilité de Christine Lagarde pourrait-elle être entachée par des affaires judiciaires en France ?
« Si après DSK, la candidate à sa succession se retrouvait empêtrée dans « l'affaireTapie » comme on l'entend partout, l'image de la France n'en sortirait pas grandie, c'est sûr.
D'autant plus que Jean-Claude Trichet s'apprête à finir son mandat à la Banque Centrale Européenne, et Pascal Lamy à la tête de l'OMC également. Il n'y aurait plus de Français en pointe. »
Cette chasse gardée européenne, voire française, ne commence-t-elle pas à susciter quelques critiques ou jalousies de la part du reste du monde ?
« Entre les Américains, plus gros contributeurs au FMI, et les Européens, il existe une sorte de deal implicite qui fait que les Américains ont la direction de la banque mondiale traditionnellement tandis que les Européens écopent de la direction du FMI. Cette règle commence à être attaquée par des pays comme la Chine qui prend de plus en plus de poids économiquement ou Singapour. Et ce, d'autant plus que la Chine devient de plus en plus créancière des États-Unis. Or, c'est bien connu, c'est ceux qui ont l'argent qui peuvent dicter leurs choix. Je pense que les Chinois ne manqueront pas d'imposer leur vue... »
« Dénonçons sa candidature ! »
En quoi placer Christine Lagarde à la tête du FMI présenterait un intérêt ?
Aurélie Trouvé : « Les Européens sont intéressés par une politique de prêts qui profite aux pays européens comme le faisait DSK. Depuis le début c'est ainsi, le FMI adopte une logique néolibérale qui consiste à appliquer des plans d'austérité sociale. Cela a d'abord été pratiqué dans les pays du sud via les fameux « plans d'ajustement structurels ».
On a bien vu le résultat : l'appauvrissement des pays déjà pauvres. Ces vieilles recettes pourtant contestées car elles n'ont pas fait leur preuve, sont ressorties des tiroirs. Aujourd'hui, on en vient à faire miroiter qu'en Europe l'austérité va apporter un redémarrage économique. En réalité, il s'agit de faire payer aux couches moyennes et précaires la crise économique. »
Christine Lagarde a un concurrent déclaré, Augustin Carstens, ministre des Finances mexicain. Est-ce un bon candidat ?
« Comme le disait un ancien ministre libanais de l'économie récemment, quelque soit le candidat à la tête du FMI, du moment qu'il a été formé dans les grandes écoles sur les schémas néolibéraux, le problème ne peut pas changer. »
Christine Lagarde vous semble-t-elle à même d'apporter un nouveau souffle au FMI ?
« Il faut être lucide. Christine Lagarde représente les milieux d'affaires. Et aujourd'hui, elle est fortement soupçonnée de connivences. Elle aurait permis à Bernard Tapie d'empocher des dizaines de millions d'euros sur la tête du contribuable. Le FMI à qui l'on reproche d'être de mèche avec les plus riches, on lui propose une candidature suspectée d'avoir permis l'enrichissement d'une personne ? Personnellement, je trouve que cela pose un énorme problème. Et c'est d'autant plus malvenu que Christine Lagarde est une Européenne complètement inféodée à la doctrine néolibérale et que dans le même temps on parle aux pays émergents d'ouverture. C'est un très mauvais signe envoyé aux pays du sud. »
Pour autant, elle est une candidate officiellement déclarée et ne semble pas soulever de grands mouvements de contestation. Qu'en pensez-vous ?
« Nous allons dénoncer sa candidature. Le Breton Woods Project est en train de monter un appel contre la candidature de Christine Lagarde car elle représente tous les mauvais aspects du FMI. Elle représente tout l'opposé de ce que l'on attend d'un FMI solidaire de l'ensemble des pays. Ils nous ont demandé d'écrire un texte contre sa candidature.
L'idéal serait ensuite de présenter notre propre candidat des pays du sud, une personne qui ne soit pas engagée dans l'idéologie libérale... »
Propos recueillis par Sandra Calme
(source Havre Dimanche)