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Jeudi 7 Avril 2011:

Éditorial

Les yeux de Chimène ?

Par Maurice Ulrich

L'UMP est bien mal venue de dauber sur les propositions du PS. On ne s'étonnera pas d'ailleurs que ce soit un ancien de la maison, Éric Besson, qui soit tout de suite monté au créneau pour lancer des pétards mouillés des éléments de langage de la droite. Ce programme est « daté et déjà obsolète. Il sera par ailleurs extrêmement coûteux. C'est de nouveau un hymne aux impôts ». Mais en quoi un ministre qui ne peut mettre à son actif que le désastreux débat sur l'identité nationale et des reconduites à la frontière est-il fondé à donner des leçons ? À ce qu'on sait, cela vaut pour l'ensemble de la droite, qui, ce même mardi, n'opposait au PS et ne proposait à la France que cette convention à la sauvette sur la laïcité. Soit donc une misérable opération de diversion, animée au départ par la volonté, qu'il fallut finalement camoufler, d'opposer entre eux les Français, au nom de la religion et au prix d'une stigmatisation des musulmans.

L'angle d'attaque de la droite mérite cependant que l'on s'y arrête un moment. Il est résumé par le Figaro : « Plus d'État, plus de dépenses. » Et alors, a-t-on envie de dire, si plus d'État, c'est plus de services publics, plus d'intervention dans une économie créatrice d'emplois, plus de profs, plus de personnel et de moyens pour les hôpitaux, un autre aménagement du territoire... Plus de dépenses. Et alors, si est mise en place une autre fiscalité, plus juste, taxant les profits et les plus riches. Le PS avance que, « sur les 70 milliards de niches fiscales créées depuis 2002, nous en annulerons 50 milliards ». Et le Figaro d'affirmer : « Ce qui revient à dire augmenter les impôts de 50 milliards. ». Oui pourquoi pas, mais la question, c'est qui les paie. Et l'on sait que dans la situation actuelle ce sont les plus fortunés qui sont les privilégiés de l'impôt. Au total, il est cocasse ou scandaleux, au choix, de voir ceux qui n'ont juré que par l'État et l'argent public pour sauver les banques, en appeler aujourd'hui à l'État light, régalien et reaganien. Il faudrait payer pour la guerre et pas pour les hôpitaux ? Le chroniqueur économique du Figaro, mardi, n'hésitait pas à ressortir la vieille formule des ultralibéraux :

« L'État n'est pas la solution, il est le problème. » Et ça repart...

La droite est mal venue. Mais ce n'est pas pour autant que l'on se découvre les yeux de Chimène pour le programme du PS. S'il affiche un souci de justice sociale, la question de son application comme de ses ambitions reste entière. Le PS est maître de son calendrier et c'est son affaire, mais il n'est tout de même pas illégitime de se demander si le programme en question sera bien celui du candidat ou de la candidate. Surtout, la crise du capitalisme qui, quoi qu'on en dise, n'est pas terminée en a fait et en fait la démonstration : toutes les velléités d'une meilleure justice sociale, qu'elles soient sincères ou non, ne font pas le poids face à la dictature des marchés financiers et aux logiques du capital. Et, de quelque manière qu'on le prenne, le programme du PS et là-dessus d'une timidité confondante. On se souvient du reste que tous ces derniers mois les sirènes n'ont pas manqué pour encourager une gauche « réaliste ».

En d'autres termes, une gauche qui, sur le fond, ne touche pas à l'ordre des choses. Les dernières élections ont fait du Front de gauche la deuxième force de la gauche, ce qui semble avoir échappé à nombre de commentateurs. Il entend peser pour de véritables changements, pour une gauche qui transforme réellement le cours des choses. Les décisions, dans les jours à venir, de ses principales forces, dont le PCF, méritent une attention autre que politicienne.

(source l'Humanité)

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