> Presse —>Pouvoir d'achat. Comment le relancer ? |
Dimanche 24 Avril 2011:
Porte-monnaie. Un prix du gaz en hausse de 20 % en un an, des produits de consommation courante qui flambent, des tarifs des carburants qui explosent, des salaires quasiment gelés : le pouvoir d'achat semble engagé dans une impasse. Comment le faire décoller ? C'est notre débat. « Primes à la conso » Quels sont les plans de relance de pouvoir d'achat qui fonctionnent en théorie ? Nathalie Jansom économiste Rouen : « L'expression « relancer le pouvoir d'achat » relève du jargon politique. Dans une approche économique, on parle plutôt de relance de la demande, qu'elle provienne des ménages, des entreprises à travers des investissements, de l'État à travers les dépenses publiques et puis l'étranger à travers les exportations nettes car elle assure la croissance. » Si notre pouvoir d'achat n'augmente pas est-ce un problème de croissance ? « Économiquement parlant, une augmentation du pouvoir d'achat s'accompagne soit d'une augmentation des revenus réels due à la hausse de la productivité des travailleurs, avec la croissance en toile de fond et/ou d'une baisse des prix. Donc oui, cela vient de là. Si on veut avoir du pouvoir d'achat supplémentaire, il faut passer par la création des conditions d'augmentation de productivité du travail et donc par la croissance. Il faudrait créer de nouvelles activités, plus de création d'activités, donc moins de chômage. » Le gouvernement propose une prime aux salariés. Quel impact cela pourrait avoir sur le pouvoir d'achat ? « On ne peut pas décréter d'augmentation de pouvoir d'achat, ça n'existe pas. Rien ne garantit que les bénéficiaires de la prime passent à l'acte de consommation puisqu'on ne parle pas d'une prime à la consommation comme la prime à la casse, mais d'une prime aux salariés distribuée par l'employeur. Si quelqu'un a 1000 € en plus, c'est que quelqu'un d'autre à 1000 € en moins... Ensuite, la politique de la relance par la demande consiste à redistribuer des revenus supplémentaires à travers, par exemple, la prime à la casse automobile, une augmentation des allocations de rentrée scolaire, etc. Les primes à la consommation qui visent directement à faire consommer les ménages et donc à générer de la production dans l'objectif de favoriser la croissance, génèrent réellement de la hausse de pouvoir d'achat. » Dans le même temps on observe un gel des salaires des fonctionnaires, de quoi freiner leur pouvoir d'achat. Cela va-t-il pénaliser la croissance économique ? « Non, en pleine période de crise les fonctionnaires ont continué à voir leurs revenus augmenter, contrastant avec le sort des salariés du privé qui eux étaient pénalisés. Il paraît clair que l'État, n'ayant plus les moyens, préfère mener des actions pour encourager le secteur privé a renouer avec une certaine augmentation des revenus. Cela rendra le privé plus attractif. Mais c'est là un tout autre sujet, indépendant des questions de pouvoir d'achat. »
On annonce des hausses de factures, des gels de salaire... Que pensez-vous de cette situation ? Brigitte Brout secrétaire générale CFTC Seine-Maritime : « Même si les chiffres sont là, pour dire que le pouvoir d'achat a stagné, de nombreux paramètres entrent dans le panier du consommateur et conduisent à un constat : le niveau de vie des familles a particulièrement diminué. Il suffit d'ajouter les assurances à payer qui augmentent, les prévoyances santé qui coûtent de plus en plus cher. Une famille qui fait ses comptes ne s'y retrouve pas. » Le gouvernement veut faire un geste en faveur du pouvoir d'achat avec la prime aux salariés ? Est-ce une bonne piste ? « Je parlerai plutôt d'une « prime à la casse salariale ». Elle est discriminante. Ce sont les grosses entreprises qui sont concernées. Et encore, ce serait 24 sociétés sur les 40 du CAC 40. Des entreprises qui ont déjà un dispositif d'intéressement et d'actionnariat. En plus, pour qu'elle s'applique il faut que les dividendes soient en augmentation. Il suffit que ça ne monte pas pour que tout soit fini. Et puis cette prime n'est pas comptabilisée pour la retraite. » Cette initiative est-elle applicable ? « En Seine-Maritime, on a près de 30 000 entreprises de moins de cinquante salariés, sans représentant syndical dans les murs. Vous imaginez bien que cela fera pas mal de salariés qui ne sont pas prêts à voir la couleur de ce type de dispositif. Et puis, le montant annoncé au début, et qui a été abandonné, de mille euros, était complètement gadget. C'était le même que pour la prime à la casse automobile. Il aurait représenté quelque chose de l'ordre de 1 % des bénéfices des entreprises au final. Dérisoire au regard de ce que les employeurs pourraient faire. » Mais alors que proposez-vous pour relancer le pouvoir d'achat ? « À la CFTC, le seul indicateur significatif de l'augmentation du pouvoir d'achat c'est le salaire sur la feuille de paie. Pas une prime ponctuelle. On préconise une répartition des richesses telle que l'entreprise bénéficiaire en consacre un tiers des bénéfices aux investissements, un tiers aux actionnaires et un tiers aux salariés. Ce serait toutes entreprises confondues. Si on appliquait ce principe, on n'en serait pas à faire de petits coups de pousse par à-coups. Donc, il faudrait légiférer sur la base du principe d'une meilleure répartition des richesses. Et ensuite revaloriser les salaires des employés pour leur garantir à la fois le maintien et aussi la hausse du pouvoir d'achat quand les entreprises vont bien. Cela ne fait aucun doute, ce modèle serait pérenne, avec des répercussions positives sur les retraites pour tous les salariés. » (source Havre Dimanche)
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