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Samedi 2 Avril 2011:

 

Déserts médicaux : une bombe sanitaire à retardement

Inégales répartitions des médecins, dépeçage des hôpitaux, menaces sur les pharmacies et les laboratoires d'analyses... C'est toute la santé de proximité qui se délite.

Le petit dernier a de la fièvre ? Un coup de téléphone et, si vous avez la chance de ne pas habiter dans un désert médical, vous aurez un rendez-vous le jour même avec votre médecin. Et un petit saut à la pharmacie du quartier vous permettra d'acheter rapidement vos médicaments. Une prise de sang à faire en urgence ? Pas de problème, le laboratoire d'analyses n'est qu'à quelques kilomètres de chez vous. Profitez-en bien, car ce temps pourrait bientôt être révolu. Outre les services hospitaliers qui ferment à tour de bras, les transferts d'activités à des cliniques privées et les médecins qui partent sans relève, la santé de proximité en France se délite à vitesse grand V.

Lancer des déserts musicaux, observée l'an dernier par l'Insee dans les zones rurales comme urbaines, ne s'est pas tarie. Les différentes solutions qui ont été mises en place se soldent quasiment toutes par des échecs, à commencer par l'aide à l'installation de médecins entérinée par la loi HPST(hôpital, patients, santé, territoires) de 2009. Force est de constater que le système du bâton et de la carotte pour faire revenir les médecins dans les campagnes et les banlieues défavorisées ne marche pas. Quant au regroupement de professionnels de santé dans des maisons médicales, il se heurte souvent à des problèmes de financement et administratifs. Reste le salariat. La solution semble plébiscitée par les jeunes praticiens. Tout ce qu'offrent les centres de santé (mutualistes, associatifs ou municipaux. Ces structures répondent en effet aux besoins des populations, en termes d'accès aux soins et de prévention, mais aussi aux aspirations des jeunes médecins. Sauf qu'elles sont pratiquement toutes dans le rouge.

Mais l'érosion ne s'arrête pas là. Confrontées à une situation économique qui se détériore, les pharmacies sont à leur tour menacées et tirent le rideau les unes après les autres. Le nombre de dépôts de bilan a ainsi été multiplié par trois entre 2006 et 2009. Le conseil de l'ordre des pharmaciens a listé 126 disparitions en 2010 et 101 avaient déjà mis la clé sous la porte en 2009. Le conseil de l'ordre pointe du doigt les déremboursement qui se multiplient, la baisse de marges des prix des génériques et la concurrence des pharmacies. À quoi s'ajoute la flambée du prix des fonds de commerce. Et ce n'est pas la menace d'une ouverture du secteur à la concurrence voulue par de grands distributeurs comme Leclerc qui va changer la donne. C'est un gros problème, sur le plan social, car, quand le pharmacien ferme dans un quartier, c'est le lien social qui se délite.

Le tableau ne serait pas complet si on omettait de parler des laboratoires d'analyses médicales, qui participent eux aussi au maillage du système de soins en France. La récente réforme de la biologie médicale risque, en imposant aux biologistes des mises aux normes drastiques et onéreuses, d'entraîner la fermeture de centaines de laboratoires d'analyses. Au détriment, une fois de plus, des patients, mais pour le plus grand profit de grands labos détenus par des financiers.

Alexandra Chaignon

(source l'Humanité du vendredi 1er avril)

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