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Samedi 5 Mars 2011:

Compétitivité : Sarkozy félicite la Cour des Comptes

Après le bluff des faux chiffres de l'Insee sur le coût du travail, le rapport de l'institution remis au chef de l'État préconise un alignement des prélèvements sur l'Allemagne : une baisse de ceux sur le capital, une hausse de ceux sur la population.

Nicolas Sarkozy s'est réjoui hier des conclusions « utiles » du rapport de la Cour des Comptes que lui a remis le président socialiste de l'institution, Didier Migaud. Il s'est félicité que la Cour se prononce en faveur d'une correction « rapide » des divergences fiscales franco-allemandes. La Cour recommande d'élaborer une stratégie fiscale au service de la réduction des déficits et du développement de la compétitivité », a noté le chef de l'État dans un communiqué. « Avec la réforme de la taxe professionnelle, la suppression des niches fiscales inutiles, le crédit 'impôt-recherche et la réforme de la fiscalité du patrimoine, la politique menée par le gouvernement s'inscrit clairement dans cette stratégie », a-t-il ajouté.

Le rapport rétablit cependant quelques vérités. Il souligne ainsi que les deux pays ont des « taux de prélèvements obligatoires (…) sensiblement plus élevés que la moyenne de l'Union européenne à 27 ». Il évalue l'écart de taux entre les deux pays seulement 3,5 points alors que Nicolas Sarkozy, qui n'en est pas à une contrevérité près, n'avait pas hésité lors d'une de ses interventions à le porter à rien de moins que 8 points.

Les revenus du capital davantage taxés à Berlin

La Cour, en outre, montre bien que la structure des prélèvements obligatoires est différente des deux côtés du Rhin, la part revenant à la protection sociale étant plus importante en France. Elle souligne que si ce qu'elle appelle la « taxation du capital » - elle y inclut la taxe d'habitation ! - serait plus importante dans l'Hexagone, nos voisins en revanche imposeraient davantage les revenus du capital. Enfin la Cour souligne que les systèmes des deux pays « aboutissent à un taux global voisin de prélèvements sur les entreprises ».

Au-delà de cela, le rapport ressemble à un catéchisme pour jeune adhérent du Medef ou de l'UMP. Il préconise de faire converger notre système de prélèvements avec celui en vigueur à Berlin sans avoir prouvé que c'est de celui-ci que l'économie allemande tire sa force. Il ignore délibérément certains facteurs pointés par nombre d'économistes, y compris par ceux proches du patronat, tels que la proximité du secteur bancaire allemand à l'égard de son tissu industriel, les politiques de formation, et de recherche- développement,...

Pour ce qui concerne les mesures concrètes, il reprend à son compte les dispositions déjà avancées par des caciques de la droite comme Jean-François Copé ou du social-llibéralisme comme Manuel Valls. Il appelle ainsi « à engager un processus de substitution progressive d'un financement à caractère universel à un financement professionnel, assis sur les salaires, pour des politiques publiques sans rapport direct avec l'entreprise ». Traduit du langage de la technocratie, cela signifie que la Cour se prononce pour une réduction des cotisations patronales et le transfert de ces charges vers la fiscalité. Elle suggère ainsi « une réduction des niches fiscales et sociales » et un alignement du régime français de TVA à taux réduit sur celui de l'Allemagne, moins favorable et appliqué à un nombre plus réduit de biens et services. Cela pourrait, selon elle, rapporter jusqu'à 15 milliards d'euros de plus par an à l'État. Les entreprises paieraient moins et les consommateurs travailleurs, plus. Enfin, la Cour se prononce en faveur d'une inscription « juridiquement contraignante » vis-à-vis de la représentation nationale « du refus de principe de tout déficit » public et social. Là encore, Nicolas Sarkozy a fait part de son extrême satisfaction.

Pierre Ivorra

(source l'Humanité)

Analyse

Compétitivité : à mauvais diagnostic, mauvais remède

Au train où vont les choses, sur le fronton des édifices publics français, la devise Liberté, Égalité, Fraternité pourrait être bientôt remplacée par un simple mot : « compétitivité ». En se réjouissant du rapport de la Cour des comptes, le président de la République confirme son adhésion au pacte de compétitivité prôné par Angela Merkel, la chancelière allemande. Ce rapport préconise d'orienter la politique fiscale vers « le rééquilibrage des finances publiques et l'amélioration de la compétitivité ». Au nom de cette compétitivité, la Cour des comptes demande à la France de s'aligner sur l'Allemagne en augmentant les taux de la TVA, pour permettre de réduire le déficit public et les cotisations patronales. On croirait un programme du Medef !

Moins de fiscalité sur le capital contre plus de TVA, telle serait donc la solution. Il n'y a rien de bien neuf là-dedans. Car cela ne ferait que pérenniser et accélérer une évolution constatée depuis plusieurs années en France : la fiscalisation progressive de la protection sociale, conduite par les gouvernements de droite, mais aussi socialistes. Ainsi, avec l'introduction de la CSG, de la CRDS et d'autres prélèvements sociaux, comme le financement du RSA, les impôts et taxes représentaient 28 % des ressources de la Sécurité sociale en 2007, contre 5 % en 1991. Et cela n'a réglé ni le financement de la protection sociale ni le déficit public.

Les remèdes préconisés par la Cour des comptes (et l'Élysée) ne sont pas efficients tout simplement parce que c'est le diagnostic qui est mauvais, L'Humanité montrait hier que les salaires, les prélèvements sociaux et les dépenses publiques n'étaient pas des handicaps mais des atouts pour la compétitivité. Comment croire que notre pays et nos entreprises gagneront en compétitivité à condition que les salariés y soient plus pauvres, plus précaires, en moins bonne santé, moins bien instruits, moins bien formés ? Comment ne pas voir, par contre, que les prélèvements financiers, les dividendes exorbitants versés aux actionnaires viennent détériorer la compétitivité des entreprises et du pays ? Une politique fiscale nouvelle, mais aussi une autre politique du crédit permettraient de combattre ces fléaux en frappant les dépenses parasitaires et en encourageant celles qui sont utiles au travail, à l'emploi et à la production des richesses

Olivier Mayer

(source l'Humanité)

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