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Jeudi 24 Janvier 2011:
Éditorial Les guerres où se perd Sarkozy Par Patrick Apel-Muller L'aveuglement rend hommage à l'impuissance : Michèle Alliot-Marie à loué hier politique étrangère « courageuse et efficace » de Nicolas Sarkozy. On en rirait si un sentiment de honte ne l'emportait. La France ne peut se reconnaître dans une diplomatie qui la tourne en ridicule. Ne parlons pas de cette caricature d'ambassadeur qui a pris place à Tunis et qui, après avoir insulté des journalistes de ce pays, se révèle comme un thuriféraire de Kadhafi. Parlons plutôt de cet arsenal français qui équipe les armées du « Guide », de ces avions qui mitraillent Tripoli, du contrat de 2 milliards d'euros que le gouvernement et les marchands d'armes négociaient avec la Libye ! Les images du tapis rouge déroulé à Paris pour le dictateur ont beau être bannies depuis quelques jours du site de l'Élysée, elles restent comme un procès-verbal de liaisons coupables. La diplomatie ne se gère pas à coups de bons sentiments, c'est vrai, et il convient qu'un pays comme le nôtre entretienne des relations avec tous. Mais il faut choisir ses amis et faire respecter des principes. L'engagement atlantiste du président de la République l'a conduit à rallier « La guerre des civilisations » portée par George Bush. Nos troupes se sont enlisées en Afghanistan, et qu'on nous permette de trouver stupéfiant le silence des grands médias sur le sondage Ifop-l'Humanité, réalisé auprès des Américains et des Français, qui montre une hostilité croissante et majoritaire à l'égard de cette intervention militaire. Quelles sont les raisons de ce silence, à l'heure où on déplore la mort d'un cinquante-quatrième soldat français et où on apprend que l'État afghan et les pays de la coalition s'y désengagent de l'éducation des filles ? Quand le monde bouge trop vite et enfonce la ligne Maginot imaginaire que George Bush avait tracée entre les pays arabes ou musulmans et un Occident définit comme chrétien, la diplomatie élyséenne se révèle démunie. La volonté de diviser reste cependant si forte que c'est en quelque sorte une guerre de civilisation intérieure que l'UMP entend déclencher avec son attaque contre un multiculturalisme qui n'a jamais existé en France. L'agression vise en fait une partie de la population en fonction de ses origines de sa foi. Le nouveau héros du parti du président est d'ailleurs Éric Zemmour, condamné pour « provocation à la discrimination raciale». Il sera l'invité, la semaine prochaine, d'un débat organisé par cette formation sur le thème « le trop-plein des normes ». Le secrétaire d'État Thierry Mariani et un quarteron de députés de droite ont exprimé leur « consternation » à la suite du jugement. Le combat des néoconservateurs à la française (les néoncons, ont abrégé les journalistes) se déroule sur ce terrain fangeux où, de longue date, campe Marine Le Pen. Ajoutez à ce racisme l'insécurité brandie comme un épouvantail, et vous aurez le corps de bataille sarkozyste. Il entend masquer des chiffres accusateurs, ceux du chômage des bas salaires (25 % des salariés gagnent moins de 750 euros), des logements inaccessibles, des écoles privées d'enseignants. Le groupe Total, pour ne prendre que cet exemple parmi les profits fabuleux du CAC 40, ne vient-il pas de réaliser plus de 10 milliards de bénéfices alors que l'effort du gouvernement à destination des chômeurs se limitera à l'équivalent de 5 % seulement de cette somme ? Les grands actionnaires croulent sous les dividendes, tandis que de nouveaux sacrifices sont réclamés aux salariés. Ces réalités, Nicolas Sarkozy a souhaité les bannir de son débat télévisé comme il voudrait passer sous silence la tenue d'élections cantonales qui permettront, dans moins d'un mois, de le sanctionner. Le président préfère taire ses guerres perdues. (source l'Humanité)
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