> Presse —> Chefs d'établissements : Une prime de trop ? |
Dimanche 30 Janvier 2011:
Chefs d'établissements : Une prime de trop ?
Éducation. La question des primes aux fonctionnaires est revenue à grand fracas dans l'actualité avec l'annonce de leur application aux chefs d'établissements des collèges et lycées. A tort ou à raison ? Les syndicats en débattent. Chefs d'établissements : Une prime de trop ? Philippe Tournier secrétaire général SNPDEN (*) « C'est une obligation) Vous avez participé aux négociations de la prime de résultats pour les chefs d'établissements. Comment ça s'est déroulé ? Philippe Tournier : « Entendons-nous bien, je tiens à ce que les choses soient clairement dites. Avec le ministère, nos négociations portaient sur la mise en place de la PFR, c'est-à-dire la Prime de Fonctions et de Résultats. Il s'agit d'un dispositif indemnitaire qui concerne déjà les fonctionnaires d'un point de vue général et il était tout à fait normal de discuter sur son application pour les chefs d'établissements. Or, il a été présenté comme une « prime au mérite » alors qu'il ne s'agit pas de cela. Tous les syndicats de l'enseignement ont été très surpris de découvrir cette approche dans la presse. Il n'a jamais été question d'une prime basée sur la performance des chefs d'établissements. » « Prime de Fonctions et de Résultats » ou « prime de mérite » ? « Tel que cette prime est présentée, nous ne pouvons pas être d'accord. Nous n'étions qu'à l'étape de discussion sur le plan financier quant à l'étude de la PFR quand l'affaire a éclaté dans les médias. Vous savez, les fonctionnaires ont toujours été, si je puis dire, gérés selon leurs résultats, et ce depuis 1946. Nous, avec le ministère, on parlait des critères de la partie modulaire de la PFR. Le mot « résultats » n'est pas à prendre au sens réducteur de la performance. Disons que de glissement sémantique en glissement sémantique, on est arrivé à une « prime de résultats » tout court mais ce n'était pourtant pas de cela du tout dont il était question dans les discussions. » Êtes-vous d'accord avec le principe d'une prime accordée aux chefs d'établissements du fait de leur fonction et de leurs résultats ? « La PFR est une obligation d'un décret. La question n'est pas de savoir si on est pour ou contre. C'est une obligation. Quand on regarde le montant de cette PFR, et que l'on voit que c'est près de la moitié de ce que l'on donne à un professeur principal, on voit bien qu'on ne peut pas parler de « prime de performance ». Si c'était le cas, il faut espérer que les chiffres seraient différents, loin des quelque 6000 euros annoncés. Rien que cela prouve qu'il il y a eu déviation totale, un magnifique plantage de communication qui nous a beaucoup occupés toute la semaine. » Sur le fond, jugez-vous qu'une véritable prime à la performance des chefs d'établissement peut apporter quelque chose à l'éducation nationale ? « Souvenez-vous, Nicolas Sarkozy avait parlé de primes pour ses ministres et ça n'a rien donné. » (*) SNPDEN : Syndicat National des Personnels de Direction de l'Éducation Nationale.
Pascal Thiell président académique du SNALC (*) « Méritocratie inapplicable » Quel jugement portez-vous sur les primes aux chefs d'établissement des collèges et lycées ? Pascal Thiel : « D'une manière générale, ces primes ont un côté ridicule. Elles nuisent gravement aux conditions de travail dans les établissements scolaires. D'autant plus que certains collèges et lycées sont plus difficiles que d'autres. Je suis donc sceptique quant aux conséquences de cette mesure. Je m'inquiète de la pression que vont exercer les chefs d'établissement sur les professeurs. » Le chef d'établissement a-t-il les pleins pouvoirs ? « L'enseignant dirige sa classe selon son expérience. Le chef d'établissement peut difficilement exiger l'application d'une pédagogie particulière. Or, avec cette course à la prime, il va exiger des résultats qui peuvent pousser un professeur à camoufler les échecs scolaires de ses élèves. Il risque d'être poussé, de se sentir contraint à le faire sous la pression du chef d'établissement. Au syndicat, nous sommes pour le maintien d'un corps d'inspecteur. Le garant de la qualité des cours c'est lui et non le chef d'établissement qui doit gérer l'accueil des élèves et son administration. C'est à l'inspecteur de décider si le professeur fait correctement son travail. » Les élèves sont-ils pénalisés dans les faits par cette prime au mérite accordée au chef d'établissement ? « En effet, en bout de chaîne ça se retourne contre eux. En plus, comment voulez-vous qualifier la réussite d'un établissement ? Les élèves qui sont inscrits dans telle école ne sont pas les mêmes que dans une autre, le niveau social peut ne pas être le même, on peut avoir un lycée plein de jeunes gens en grande difficulté et un autre qui lui affiche un pourcentage de réussite au baccalauréat qui pourra paraître extraordinaire, mais la base n'est pas la même. On se réfère à quoi pour dire que tel ou tel chef d'établissement peut percevoir une prime au mérite ? » Cette logique libérale vous semble donc difficilement applicable dans un établissement scolaire ? « Il s'agit d'élèves, de notions plus abstraites que celles du monde de l'entreprise. Donner des primes aux chefs d'établissement est injuste au regard des inégalités entre les écoles. Les professeurs seront tentés de gonfler les notes pour faire plus rentable. On a déjà plus ou moins ce problème de pression qui pèse sur les correcteurs des copies du baccalauréat quand ils sont accusés d'être trop sévères. Je pense que l'idée de ces primes est démagogique. La confusion avec le monde de l'entreprise n'a pas lieu d'être, les élèves ne sont pas des marchandises. » (*) SNALC : Syndicat National des Lycées et Collèges (Source le havre dimanche)
|