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Vendredi 28 Janvier 2011:
Éditorial Jackpot Par Michel Guilloux Le service public est inefficace, rien ne vaut la concurrence. La tautologie libérale a été élevée à la puissance mille avec l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Sur la lancée de la parenthèse ouverte en avril 2002, historique pour la bourgeoisie revancharde, UMP et Medef en tête, plus un seul secteur n'échappe à la tornade. Santé, école, logement social, tout doit passer sous les fourches caudines du rendement privatisé et immédiat. Le « reste », c'est-à-dire l'essentiel, qui bénéficie au plus grand nombre, alliant solidarité et l'efficacité sociale, est purement et simplement à jeter aux poubelles de l'histoire. S'il est une « rupture » de société qui n'a pas fini de produire ses effets dévastateurs, c'est bien celle-ci. L'énergie n'est pas une exception dans l'opération de destruction du libéralisme sauvage. De même qu'il s'était engagé à ne pas toucher à la retraite à soixante ans lors de son élection, avant d'en engager la casse – annoncée, notons-le en passant, au détour d'un discours prononcé devant Laurence Parisot et ses hôtes tunisiens en avril 2008... -, éphémère ministre de l'Économie alors, l'actuel président s'était engagé à ne pas toucher au secteur public du gaz et de l'électricité... Au premier mois d'une année qui sera celle des bilans, chacun peut mesurer ce qu'il en est. Alors que le froid la frappe, la France a découvert cette nouvelle expression : « précarité énergétique ». Près de 13 millions de Français ne peuvent régler leurs factures, accumulent les impayés ou doivent se restreindre ? Et alors ? Grâce à eux et grâce à l'État actionnaire, un groupe comme GDF Suez a pu voir ses profits gonfler par la hausse de 15 % des tarifs du gaz, entre avril et juillet dernier. Juste ce qu'il fallait pour annoncer un bénéfice semestriel de 3,6 milliards et se lancer dans le rachat d'un concurrent britannique en offrant une prime de plus de 1,5 milliards d'euros aux actionnaires de ce dernier. Quand les cours de cette matière première sont au haut, il suffit de ne pas répercuter la tendance sur le prix. Jackpot assuré pour le capitale le consommateur. Quand ils baissent, il suffit de ne pas répercuter la tendance sur le prix. Jackpot assuré pour le capital. Pareille logique de casino mérite bien de petits à-côtés, tel l'équivalent de 835 smic que le PDG du groupe s'est octroyé en vendant des stocks-options en janvier dernier. Et avec la loi Nome, votée à l'automne, EDF sera obligée de vendre à son rival une partie de sa production d'électricité, tout en en répercutant le coût sur ses propres clients... Voilà où mènent la privatisation et la scission du géant français du gaz et de l'électricité : à contribuer à ramener au XIXe siècle une partie de la population – qui doit être bien peu sensible aux messages sur leur responsabilité en matière d'économies d'énergie pour un développement durable. Se chauffer, cuisiner, éclairer son logement – quand on a pu en trouver un -, se soigner, manger, s'éduquer et apprendre, ou penser sans crainte à ses vieux jours : il n'est plus un acte de la vie qui ne soit affectée par l'implacable « coût du capital » que nul n'évoque. Sans parler du travail et de l'emploi. Les nouveaux chiffres du chômage sont éloquents quant aux intérêts que la politique commune au gouvernement et du Medef défend dans cette phase d'une crise la plus profonde du capitalisme depuis près d'un siècle. Tout ce beau monde qui se réunit chaque année à Davos aurait, dit-on, la peur de danser sur un volcan. Ils n'ont pas tort. Les « les inégalités » y seraient un thème clé cette année, paraît-il. Mais, comme l'écrivait avec délicatesse le quotidien patronal les Échos hier, « Davos est un lieu où rien ne se décide, où l'on peut donc élucubrer en liberté ». Nous n'en doutions pas. (source l'Humanité)
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