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Jeudi 30 Septembre 2010:

Éditorial

Les faux-culs

Par Claude Cabanes

Il paraît que la Panamera de chez Porsche fait un tabac : c'est le dernier modèle (4 portes) des bolides de luxe du célèbre constructeur automobile, qui faisait savoir, hier, qu'il avait traversé la crise de 2008 en fanfare et que ses voitures s'arrachent dans le tout petit monde des grands privilégiés. Il paraît aussi que la même année, sont de plus en plus nombreux ceux qui étaient sur le fil du rasoir, qui sont tombés : ils sont tombés dans le monde de la pauvreté... Des mères seules, des retraités dont le compte en banque était au bout du rouleau, des employés soumis au garrot du temps partiel, des jeunes gens à bout de souffle... ont rejoint l'armée des pauvres : ils étaient près de 8 millions en 2008. Quel rapport entre ces deux événements, me direz-vous ? Apparemment aucun. Apparemment... Sinon que la crise n'a pas été la même pour tout le monde.

On pourrait évidemment imaginer que le gouvernement de notre pays s'efforce de corriger cette violente injustice. Franchement, le gouvernement a d'autres chats à fouetter : il n'en finit pas de se demander à quelle sauce il va être mangé par le président de la République, dans un mois, dans un an... Son chef minaude devant une caméra de télévision : et aussitôt les experts en expertise s'efforcent de lire l'avenir dans ses propos, comme on le lisait dans la Grèce antique dans les entrailles des poulets. Reste que François Fillon a laissé piétiner et ridiculiser la fonction de premier ministre, sans piper mot, depuis plus de trois ans : c'est à cette aune-là que l'on peut mesurer son « indépendance » (tu parles Charles !) ; son départ ne nous ferait ni chaud ni froid... Quant aux ministres ordinaires, certains n'ont plus qu'une fesse sur le fauteuil, d'autres semblent décidés à s'y accrocher comme des morts de faim, d'autres encore espèrent un avancement foudroyant, et les traîtres venus de l'autre camp déclinent à l'infini le mot « reconnaissance » dans leur tête. Mais enfin, au final, ils font tous le sale boulot...

Hier, la réunion du Conseil des ministres aux côtés de Nicolas Sarkozy, dans un salon de l'Élysée, aurait mérité le label « assemblée de faux-culs ». Le budget 2011 qui y a été adopté prétend respecter l'engagement électoral de Nicolas Sarkozy de ne pas augmenter les impôts : c'est du bidon ! Le député UMP Hervé Mariton, c'est dire, ne s'y est pas trompé : « en français courant cela s'appelle une augmentation des impôts ciblée ». Ciblée ? Soit. Mais ce ne sont pas les pilotes de Porsche qui sont dans le collimateur : puisque « pas touche au bouclier fiscal » ! Un journal quotidien – Libération pour ne pas le nommer – a pu ainsi calculer qu'une famille qui disposerait de 145 000 euros de revenus (mazette !) pourrait se débrouiller, après « rabot » gouvernemental pour ne payer que 13 euros d'impôts ! Et l'éditorialiste du Figaro de respirer un bon coup, dès la première phrase de son papier : « Cette fois nous y voilà ! » Nous voilà, où ? Nous voilà à la rigueur... Elle va à la fois « punir » les panneaux solaires, l'effectif des enseignants, l'abonnement à Internet, les budgets des HLM... et même les miradors des prisons. La vérité n'est pas bonne fille, mais elle est simple : en vingt ans le capital a dérobé au travail 10 points de valeur ajoutée, soit 200 milliards d'euros par an. Le budget 2011 roule sur cette voie-là.

Rongé par la crainte d'une crise sociale majeure, le pouvoir des « faux-culs » fait semblant de sauver la Sécurité sociale alors qu'il la démolit. Il fait semblant de sauver le système de retraite par répartition alors qu'il l'enfonce...

Ah, j'oubliais ! Quel est donc ce chef d'État, que, il y a longtemps, les « mauvais esprits » appelaient

« Naboléon » ?

(source l'Humanité)

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