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Mercredi 25 août 2010:

L'Éditorial de Michel Lepinay

Les contre-temps du président

Quelle rentrée ! Rarement un gouvernement aura tenu un conseil de rentrée au milieu d'une telle pétaudière. Premiers concernés, les ministres. Une équipe d'intérimaires ! Depuis le mois de juillet, le président à annoncé une purge ministérielle pour l'automne. On peut imaginer l'allant de ceux qui s'estiment, à tort ou à raison, bons pour la charrette. Dans la situation économique où se trouve le pays, la démotivation ministérielle n'est évidemment pas un gage de succès. Mais c'est ainsi. Lorsque Nicolas Sarkozy a commis cette étrangeté politique - l'annonce d'un remaniement plus de trois mois à l'avance - il n'y avait qu'une urgence : sauver à tout prix Éric Woerth. Plusieurs membres du gouvernement étaient mis en cause, qui pour ses relations avec une milliardaire, qui pour sa consommation de cigares ou ses hôtels de luxe.. En promettant de remanier en octobre, Nicolas Sarkozy voulait donner un gage à l'opinion, sans lâcher le ministre des Affaires sociales. Sans doute eut-Il été mieux inspiré de trancher dans le vif. Car non seulement la pression sur Éric Woerth n'en retomba pas pour autant, mais elle allait conduire le président une seconde erreur de calendrier au coeur de l'été. Saisissant l'opportunité de deux faits-divers dramatiques le président lançait son assaut sécuritaire, sans doute convaincu que la diversion mettrait Éric Woerth à l'abri. On connaît la suite. Hier encore, certains dans son propre camp se désolidarisaient de la campagne contre les Roms et les « Français d'origine étrangère » qui a valu à la France la réprobation de l'ONU, de l'Europe, de la presse étrangère, de l'église, et... le soutien de l'extrême-droite italienne. Jouer sur la corde sécuritaire pour cristalliser les peurs, et faire voter à droite, est un classique pré-électoral. Mais c'est en général une arme de veille de scrutin. En lançant son offensive vingt mois avant l'élection présidentielle, et donc à contre-temps, Nicolas Sarkozy prenait le risque de n'en récolter que les fruits vénéneux. Quand bien même il aurait réussi comme le prétend Brice Hortefeux a détourné des intentions de vote du Front national, Marine Le Pen a tout le temps de se refaire avant l'échéance. À l'inverse, l'effet négatif sur la partie la plus humaniste de son électorat, et en particulier les catholiques, pourrait être durable. On le voit, la séquence politique catastrophique qui débouche sur ce capharnaüm de rentrer aurait sans doute pu être évité en reconnaissant simplement en juin qu'Éric Woerth n'aurait pas dû gérer à la fois les finances de l'UMP et celles de l'État. Au lieu de quoi, nous allons vivre une rentrée de tous les dangers dans une ambiance délétère, avec un mouvement social d'ampleur, un budget impossible à boucler, un marché de l'emploi sinistré, des ministres déprimés... Et l'on prétend que le problème le plus grave du moment... c'est l'existence de campements illégaux de Roms !

(source le havre libre)

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