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Samedi 18 Septembre 2010:
Chronique Le « 7 septembre » De M. Barroso Par Francis Wurtz (1) Le 7 septembre, pendant qu'une marée humaine battait le pavé dans toutes les villes de France pour la défense de la retraite à 60 ans, M. Barroso , le président de la Commission européenne, s'est essayé à un nouvel exercice prévu dans le traité de Lisbonne : tenir, à l'instar du président américain, un discours annuel sur « l'état de l'Union » (lire aussi Jean-Christophe Le Duigou). Sous les huées d'une partie de la gauche européenne, il a lancé, à cette occasion, dans l'Hémicycle de Strasbourg : « il faut avoir le courage de dire que si l'Europe veut gagner la bataille de la compétitivité face à certains pays émergents, il faut travailler plus, Il faut travailler plus longtemps », avant d'ajouter, en vrai homme de dialogue, que « ceux qui vous disent le contraire ne vous disent pas la vérité », pour la simple raison qu'il est « évident » qu'il faut « faire des réformes ». Fermez le ban. Nicolas Sarkozy a les soutiens qu'il mérite ! Mais tandis qu'à Paris ses ministres nous expliquent laborieusement que c'est en raison de « l'évolution démographique » que nous serions obligés de reculer l'âge de départ, le président de l'exécutif européen évoque crûment la « compétitivité » face aux pays à bas salaires et aux acquis sociaux limités pour justifier les « réformes ». C'est ce qui s'appelle « manger le morceau »... Le problème, c'est que si on accepte cette logique, il n'y a aucune raison de s'arrêter à 62 ans ni même à 67 ! Ouvrez la vanne de la « compétitivité face à certains pays émergents » et c'est tout ce qui reste du modèle social européen qui va à vau-l'eau ! Les législations adoptées ou en cours de discussion chez nos voisins sont éloquentes à ce propos. Si rien ne venait contrecarrer les plans des gouvernements en place – souvent de droite... et parfois socialistes -, la situation après 2020 serait la suivante : l'âge légal de départ à la retraite passerait progressivement à 67 ans en Allemagne et en Espagne, à 68 ans en Grande-Bretagne, à 69 ans en Italie ! Qui dit mieux ? Lequel sera plus « compétitif » encore ? En tout cas, le message de M. Barroso et sans ambiguïté : il prône « l'accélération des réformes » (au nom de l'Agenda 2020, nouveau programme commun des dirigeants européens pour la décennie à venir) ; la « stimulation de la compétitivité des entreprises » (voir plus haut...) ; l'« approfondissement du marché unique » (comprenez : l'aiguisement de la concurrence entre les peuples européens) ; « l'assainissement des finances publiques » (autrement dit, l'austérité sociale pour payer les dégâts des orgies financières) ; La « gouvernance économique » (c'est-à-dire le renforcement du pacte de stabilité, le contrôle des budgets avant leur examen par les Parlements nationaux et l'aggravation des sanctions pour les contrevenants). Voilà le programme que le président de la Commission européenne appelle, sans rire, « la modernisation de notre économie sociale de marché » ! Quelles conclusions tirer de ce véritable défi qui nous est ainsi lancé ? D'abord, qu'il y a vraiment intérêt à bloquer cette offensive sans attendre en faisant front jusqu'au bout contre la « réforme » Sarkozy. Ensuite, que nous avons tout à gagner à travailler au maximum de convergences européennes comme la grande journée d'action internationale du 29 septembre nous en donnera l'occasion. Enfin, que l'initiative prise par le PCF d'ouvrir un vaste débat public sur le projet alternatif dont doit être porteuse la gauche est décidément bienvenue. (1) Député honoraire du Parlement européen. (source L'Humanité Dimanche)
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