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Dimanche 28 Novembre 2010:

 

Éditorial

Le débat nécessaire

Par Maurice Ullrich

Le pacte passé au Parti socialiste entre Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry, rendu public mercredi par cette dernière et indiquant qu'ils présenteront une candidature ensemble et pas les uns contre les autres, fait des gorges chaudes. Il suscite en particulier l'ire des nouveaux prétendants, que ce soit Arnaud Montebourg ou manuel Valls, craignant ainsi de se voir privés de leurs chances à ces primaires dont on parle tant pour déplorer, comme soeur Anne, de ne pas les voir venir. François Hollande serait aussi la première victime de ce pacte, ayant pour conséquence de le mettre également hors course. Il appartient bien évidemment au PS de régler ses affaires et il agit comme il l'entend. On peut tout de même se demander si ces escarmouches à répétition sont bien la meilleure manière d'apporter à une crise sans précédent les réponses que peuvent attendre les Français.

On se trouve ainsi devant une situation un peu absurde. Le président de la République fait l'objet d'un rejet sans précédent dans l'histoire de la cinquième République. Le remaniement qu'il vient d'effectuer a déjà fait long feu. D'abord, parce qu'en reconduisant le premier ministre et les poids lourds sortants, avec une équipe resserrée autour du noyau dur de l'UMP, il confirme sa volonté de poursuivre la même politique de casse des acquis sociaux, sous le vocable mensonger de « réformes » martelé par le premier ministre devant l'Assemblée nationale lors de son discours de politique générale. Ensuite, parce que les affaires, et particulièrement l'affaire de Karachi, prenant les proportions que l'on sait avec les confessions tardives et soudaines de Dominique de Villepin, viennent ajouter un nouvel épisode à la saga des noces du pouvoir et de l'argent. Affaire Woerth-Bettencourt, financements occultes, ça commence à faire beaucoup. Mais c'est dans cette situation pourtant que l'on cherche en vain jusqu'alors une véritable alternative à gauche. Sans doute le pacte des trois têtes du PS peut-il calmer pour un temps la valse des égo – à moins qu'il ne l'exacerbe -, et ce calme et sans aucun doute le calcul de Martine Aubry, mais pour quel projet ? Question d'autant plus fondée qu'entre Ségolène Royal, DSK et la première secrétaire du PS elle-même, les différences de sont pas minces. Le fait que DSK continue à entretenir, par amis interposés, le suspense sur ses intentions ne simplifie pas non plus les choses, et son arrivée éventuelle, préparée comme celle du Messie, ne saurait représenter en soi une véritable alternative à la politique de Nicolas Sarkozy.

C'est dans cette situation que la démarche du PCF, du côté du Front de gauche, semble échapper aux commentateurs, plus occupés à soupeser les chances d'Untel ou d'Untel, que d'un réel projet politique. Que Jean-Luc Mélenchon ou André Chassaigne se soient déclarés candidats ou disponibles, c'est une chose qui peut susciter des spéculations, mais qui ne saurait faire l'économie d'une véritable construction politique. Une construction collective face à la politique de Nicolas Sarkozy et de la droite, et une construction apportant des réponses novatrices à la crise du capitalisme, qui ne soient pas d'accompagnement, voire même de régulation, mais qui soient de nature à mettre réellement en cause la domination des marchés financiers sur l'ensemble de la vie sociale et une économie au service du capital. C'est cela que veut faire le PCF, avec les autres composantes du Front de gauche – Parti de gauche et Gauche unitaire -, avec l'ambition affirmée de changer la donne pour la gauche toute entière, y compris dans le débat nécessaire avec ses autres composantes.

(source l'Humanité du Samedi 27 Novembre)

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