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Jeudi 30 Décembre 2010:

 

Le « business » stoppe le train

Vingt-six heures d'un voyage ponctué d'incidents qui, selon les syndicats, sont la conséquence de la politique menée à la SNCF, nuisible aux usagers comme aux cheminots et au matériel.

Un train doit se rendre d'un point A à un point B. Pas simple, quand les moyens en hommes et en matériel sont limités. Sans rire, le périple de vingt-six heures des 600 passagers du Strasbourg-Nice-Port Bou (village de la frontière espagnole) avait tout d'une partie de Mille Bornes ! Déplacement d'un conducteur de Lyon à Belfort, en taxi, pour remplacer celui de ce Corail, qui cumulait déjà trois jours de conduite consécutifs; panne de la motrice et plus de trois heures pour en acheminer une autre... Entre dimanche soir et lundi soir, le convoi a connu « une succession exceptionnelle d'incidents » qui « ne sont pas admissibles », pour le directeur de la SNCF. Guillaume Pépy invoquant « une erreur grave » de planning en ce qui concerne le problème du changement de conducteur. « Le problème lié au changement de conducteur est le résultat de l'organisation en activités séparées au sein de la SNCF », rétorque Julien Toccaz, secrétaire de la Fédération des cheminots SUD rail, qui développe : « Un conducteur de TER n'a plus le droit de conduire un train de l'activité grandes lignes. » Pour le responsable syndical, recourir à un taxi pour acheminer un conducteur « autorisé » à plusieurs centaines de kilomètres alors que des conducteurs de TER, tout à fait aptes à conduire sur une grande ligne, se trouvaient dans la région de Belfort, relève du « gâchis ». La fédération CGT cheminots relie pour sa part cet « événement » aux

« dysfonctionnements », qui deviennent « le triste quotidien des usagers et des cheminots », du fait des

« politiques menées depuis plusieurs années à la SNCF ». La série de problèmes a entraîné un retard de treize heures à l'arrivée. « Évidemment, ça fait un retard qui, comme cela, paraît hallucinant », pour la ministre des Transports Nathalie Kosciusko-Morizet. Les faits apportent surtout, selon SUD rail, la preuve que la « situation  des transports ferroviaires de voyageurs n'est actuellement pas bonne ». La CGT dénonce, elle aussi,

« l'organisation en branches indépendantes » orchestrée par la SNCF, qui « refuse toutes formes de mutualisation des moyens humains et matériels » en constante diminution. Ce sont 4000 postes de cheminots qui ont été supprimés en 2010, « 2500 en neuf ans », rappelle la CGT, dénonçant les 1850 nouvelles suppressions prévues dans le cadre du budget 2011 présenté la semaine dernière.

C'est la faute au climat !

Si les conditions climatiques sont invoquées pour justifier le retard initial d'une heure du Strasbourg-Nice-Port Bou, les syndicats dénoncent plus sûrement les restrictions budgétaires qui impactent l'entretien des matériels roulants et des voies. Pour la CGT, « il est prévisible que les voyageurs et les cheminots en subissent les conséquences ». La Fédération cheminote, dirigée par Gilbert Garrel, déplore que la direction, qui « se détourne du service public pour faire du business », « refuse de tirer les enseignements de sa stratégie ».

Julien Troccaz écoute les commentaires des passagers de ce train de malheur : « Ils révèlent que les usagers n'en veulent pas aux cheminots, dont ils savent qu'ils se sont trouvés dans la même galère qu'eux, c'est à la politique menée à la SNCF qu'ils s'en prennent. » Le responsable de SUD rail affirme qu'il est plus que jamais possible et urgent de travailler sur « les problèmes de fond », plutôt que sur les « modalités d'indemnisation des passagers », appelant usagers, associations d'usagers, élus, cheminots et organisation syndicales à inciter ensemble la direction de la SNCF à « revoir sa copie concernant le budget 2011 ». La CGT rappelle que la grève reconductible d'avril 2010 avait déjà cet objectif et que des mouvements sont en cours, comme à Vierzon, contre la suppression des « réserves de conducteurs » qui permettaient les remplacements au pied levé. Une revendication d'une hallucinante actualité, non ?

Laurence Mauriaucourt

(source l'Humanité)

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