> Presse —> Éditorial : la vie en miettes par Patrick Apel-Muler |
Jeudi 1 juillet 2010:
La vie en miettes Par Patrick Apel-Muller Sur les tableaux de bord de Bercy, cela ne représente qu'une ou deux lignes. Dans le budget de Mme Parisot qui sera aujourd'hui reconduite à la tête du Medef, cela ne représente rien. De l'infinitésimal rapporté aux chèques que Mme Bettencourt a accordés à ses amis de l'UMP. Mais pour des dizaines de millions de Français, cela fait la différence entre vivre et survivre, joindre les deux bouts et tirer le diable par la queue, entre des vacances au soleil et rester dans son HLM. Au Fouquet's, personne n'y pense ou alors, l'espace d'un don, lors de vente de charité annuelle. Pour la plupart des médias audiovisuels, ce sera à peine évoqué dans la liste des mauvaises nouvelles, de doctes commentateurs prêcheront l'effort et les sacrifices, comme une antithèse du populisme. Ailleurs, là où « la vie ne se prend pas avec des gants », comme l'écrivait Romain Rolland, les augmentations de prix du 1er juillet vont lézarder un peu plus le socle sur lequel repose l'existence des familles populaires. Le gaz, après l'augmentation de 9 % en avril va encore coûter 5 % plus cher. Il ne suffira pas d'enfiler un gilet ! Les coupures vont être multipliées par 30 entre 2008 et 2010... Il paraît que M. Woerth ne craint rien. Les voyages SNCF, que le maquis des tarifs ont enchéris ces dernières années, seront encore un peu moins accessibles. Les timbres sont une insidieuse mais inévitable dépense supplémentaire. Tout cela coûte cher en rêves envolés, en découvertes perdues, en rires sans retenue. En vies mâchonnées par l'angoisse.
Interrogé pour savoir combien il faudrait d'années d'austérité pour sortir de la crise, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France a répondu : « Je crois qu'il faudra pas mal d'années, peut-être entre cinq et dix ans probablement. » Ça ne lui fait pas peur. Sa seule crainte, c'est que des impôts lui tombent sur la tête, avec ses amis des week-ends dorés et des soupers mondains. Interrogé sur une radio périphérique, il toisait de haut les ménages qui se constituent une « épargne de précaution, au détriment de la consommation et de la croissance ». « Les ladres ! », s'est-il retenu de s'écrier. Après tout, quelques bonnes hausses de prix conjuguées à des suppressions de services publics et au report de la retraite devraient remédier à cette avarice...
Pièce après pièce, le puzzle sarkozyste dessine une France saignée à blanc par les intérêts des marchés financiers. À nouveau, les grandes fortunes explosent. Les dividendes et la protection fiscale des oligarques ont constitué le seul tabou dans les convulsions de la crise : un choix payant pour la minorité choyée par le pouvoir. La vague d'austérité forcenée qui s'abat sur le pays aura des conséquences similaires à celles que le plan de rigueur britannique infligera à ce pays. Un rapport gouvernemental secret y prévoit la destruction de 1,3 millions de postes en cinq ans. La dirigeante du Parti travailliste a dénoncé hier - et bien tard après les années Blair et Brown - « la misère abjecte que ce chômage a provoquer ». « Le gouvernement est entré en guerre contre les travailleurs, et nous sommes prêts », ont lancé les syndicalistes. Les ripostes syndicales prévues en Europe et en France montrent que les salariés ne sont pas prêts à courber la nuque sous le joug que leur destine un pouvoir où on démêle de plus en plus difficilement les copains, des coquins. La fête de l'Humanité en septembre sera le grand rassemblement de la contre-offensive. (source l'Humanité)
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