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Jeudi 21 Octobre 2010:
Éditorial La robe sur le faussaire Par Maurice Ulrich Macbeth, dans la tragédie de Shakespeare, ne pensait pas que la forêt marcherait sur lui. La forêt s'est mise en marche. Et c'est dans Macbeth que le Théâtre du Soleil qui est à Paris de toutes les manifestations a trouvé cette phrase magnifique : « À présent, des révoltes incessantes lui reprochent ses parjures ; ceux qu'il commande n'agissent que sur commande. Maintenant il sent son titre qui prend, flasque sur lui, comme la robe d'un géant sur un faussaire nain. » Le pouvoir beau trafiqué les chiffres, mentir sur les risques de pénurie d'essence, jouer la montre en attendant les vacances, choisir la tension, les lacrymogènes, exploiter les images d'affrontements qui ne font que prouver que rien des problèmes des banlieues n'a été réglé, il est face à une réalité incontournable. Ça ne passe pas ! Nul certes ne peut prédire ce qui va se passer dans les prochains jours. On peut redouter que se multiplient les provocations mais cela n'y changera rien : le pays ne veut pas de cette réforme et 79 % des Français demandent que Nicolas Sarkozy reprenne le dialogue avec les syndicats. C'est sans précédent. Parmi les électeurs de l'UMP, près d'un tiers le souhaitent également. Dans les médias, les tièdes doivent se rendre à l'évidence. Libération, qui n'a pas toujours eu le même ton, le constatait hier : « L'opinion devait se lasser, elle tient. » Dans le Figaro, l'allumé de l'ultralibéralisme Yves de Kerdrel, qui clame son amour des riches, en est réduit à insulter les grévistes « qui appartiennent à des professions favorisées », qui sont des « rentiers de la fonction publique ou des aristocrates de l'assistanat ». Ce n'est même plus révoltant, c'est dérisoire et vain. Venez donc voir ce qui se pense dans les rues. Entendez ces chants de révolte. Mesurez cette soif de justice. L'opinion n'est pas dupe. Ce qui se joue là, sur cette ligne de partage entre le capital et le travail qu'est l'âge du départ à la retraite, c'est une lutte entre le peuple et les marchés financiers. Le milliardaire Warren Buffett, voici quelques semaines, croyait pouvoir dire que, oui, la lutte des classes existe bien et que « notre classe est en train de gagner ». Eh bien la France est dans la bataille, et elle n'a pas l'intention de perdre. Nicolas Sarkozy et son gouvernement se donnent encore le ridicule de parler de pédagogie en même temps qu'ils manoeuvrent, ils tentent encore de raconter aux jeunes la belle histoire d'une réforme qui serait faite pour eux. Mais il faut le dire en quelle langue ? L'opinion dans sa masse a compris que la réforme n'est pas faite pour le pays, pour les jeunes, pour répondre à l'évolution de la démographie. Elle est faite pour les marchés financiers et les agences de notation. A-t-on remarqué, ces temps-ci, la multiplication sur les ondes et dans les écrans, des pubs pour des retraites complémentaires, des offres de placements prétendument sûrs et que la prochaine crise financière peut réduire à néant ? Nicolas Sarkozy et François Fillon croient pouvoir s'appuyer sur le vote du Sénat, qui se fait attendre et dont les élus de gauche ont demandé la suspension, pour arguer de sa légitimité démocratique. Ils feignent d'oublier qu'en régime parlementaire les élus sont les représentants du peuple et pas les fantassins du capital. Ils n'ont pas reçu mandat pour remettre en cause un acquis majeur de l'histoire de la France moderne, alors que le chef de l'État avait affirmé lui-même qu'il n'y toucherait pas. Ils sont devant la nation. (source l'Humanité)
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