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Mercredi 17 Mars 2010:
Légitimité Par Jean-Emmanuel Ducoin Si l'effroi en politique est source de pédagogie, les bouffées d'optimisme peuvent provoquer des retours de flammes. Ne nous y trompons pas. Les bons résultats du premier tour pour la gauche, de même que les différents accords conclus hier dans les régions, ne nous empêchent pas d'analyser lucidement la situation. Si une indéniable dynamique semble se dégager, chacun sait que les jours qui viennent seront décisifs pour que la victoire devienne indiscutable. À l'heure du rassemblement, l'enjeu doit être compris. Il convient d'infliger à Sarkozy une défaite si cuisante qu'il sera privé de l'argument d'une trop faible participation. Il faut l'affaiblir le plus possible à la veille de son plan d'hyper-austérité ! Car voilà. Dans un contexte d'épouvantable crise sociale, qui atomise les familles et jette dans l'épreuve du chômage plus de mille personnes supplémentaires chaque jour. L'idée que plusieurs régions tombent sous la coupe de l'UMP devrait suffire à mobiliser toutes les énergies. D'autant que Sarkozy s'emploie à minimiser, sinon à nier, la déculottée historique de la droite républicaine dimanche dernier. Au point de susciter la grogne de nombreux élus de son camp. « C'est le pays des Bisounours », s'est même étranglé l'un d'eux après une réunion avec le chef de l'État, pris en flagrant déni de défaite. Mensonges, mauvaise foi : la colère gronde parmi les cadres de l'UMP, au point que Fillon a réclamé que cessent « les critiques », accusant leurs auteurs de ne pas avoir « des caractères bien trempés ». Bonjour l'ambiance. Ne cachons pas néanmoins que certains « marqueurs » du premier tour nous ramènent, confusément, à cette « crise de politique » symbolisée un certain 21 avril. Crise un peu vite oubliée, n'est-ce pas, mais toujours présente dans les soubassements de notre pays... Tandis que les frontistes sont retournés en masse au bercail à la faveur des débats puants autour de « l'identité nationale », les citoyens se sont de nouveau réfugiés dans l'abstention massive, phénomène principalement observé dans les quartiers les plus populaires, frappés de désespérance sociale. Souvenons-nous de 2007 et de l'illusion d'optique – pour ne pas dire mentale. Sarkozy devait « réinvestir l'action politique »... Depuis l'acte primitif du Fouquet's, les Français ont vu ! Son activisme de pacotille, transformé en propagande d'État, a favorisé les puissants en flattant la famille mafieuse des copains et des coquins de la finance... L'enracinement de l'abstention populaire interroge les futures conditions du succès. Fort de son score nationale, le PS sortira-t-il de sa posture hégémonique habituelle en reconnaissant à ses partenaires la légitimité qui est la leur, respectant et acceptant de porter leurs idées dans les régions ? Ou se comportera-t-il comme dans le Limousin et la Picardie, intransigeant et coupable de désunion ? Le défit de la gauche reste le même : rendre crédible une alternative de transformation sociale. Or, celle-ci ne peut devenir durable sans une modification en profondeur du rapport de forces. L'espérance ne se négocie pas. Seul un projet authentiquement de gauche peut nourrir un espoir collectif. Pour ne pas perdre l'« optimisme historique » dont nous parlait souvent Jean Ferrat avec l'émotion des combattants. L'optimisme d'une certaine idée de la France...
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