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Vendredi 16 Avril 2010:

Table ronde tendue sur le raffinage

Hier après-midi se tenait la première réunion nationale, en présence des pétroliers, de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), des élus et des syndicats. Présentation des enjeux.

Un contexte tendu

Cette table ronde est l'un des acquis concédés par l'État et l'Ufip, au lendemain de la grève nationale de février dernier. La fermeture de la raffinerie de Dunkerque (Nord) était la colonne vertébrale de cette lutte. La conclusion de la grève a laissé à ses employés un goût amer, car, si Total s'est engagé à pérenniser ses autres raffineries sur un délai de cinq ans, le groupe a confirmé la fermeture du site dunkerquois. Hier, une nouvelle journée de mobilisation et de soutien avait lieu dans l'ensemble du groupe. Hier, Christophe Margerie a de nouveau temporisé, en déclarant : « On ne va pas tout régler en un après-midi. »

Les pétroliers désertent l'Europe

Le raffinage français pâtit d'une demande sévèrement déprimée, d'une surcapacité endémique et d'une inadaptation de l'outil de production. L'équation est désormais connue : en France, on produit plus d'essence que de gazole, alors que notre parc automobile hexagonal fonctionne à 80 % au gazole. Les syndicats dénoncent depuis bientôt vingt ans le « manque d'investissements de modernisation », qui permettraient pourtant de produire plus de gazole. Au final, il semblerait surtout que les pétroliers veulent se désengager à terme du raffinage. Selon Philippe Chalmain, spécialiste des matières premières à l'université Paris-Dauphine, « le raffinage est une activité extraordinairement spéculative, coincée entre le marché du brut et celui des produits raffinés, tous les deux très fluctuants ». Autrement dit, les pétroliers veulent externaliser les risques financiers, notamment en les confiant aux pays émergents.

Le groupe qui cache la forêt

Les employés de Total ne sont pourtant pas les plus mal logés. Comme Exxon Mobil, c'est une entreprise intégrée qui comprend un secteur amont (l'exploitation des champs pétrolifères) et un secteur aval (raffinage, distribution). Chez Total, les bénéfices de l'amont pourraient parfaitement compenser les déficits de l'aval. Par contre, Petroplus, Ineos ou Lyon-dellBasell, qui possèdent la moitié des douze raffineries françaises, pour la plupart rachetés au groupe Shell, ne sont pas des entreprises intégrées. « Nous sommes très inquiets pour leur avenir », souligne Charles Foulard, coordinateur CGT. Ainsi, la raffinerie de Reichstett (bas-Rhin), la plus petite de France et l'une des moins rentables, vient d'être mise en vente par Petroplus. Et elle risque de ne pas trouver preneur...

La responsabilité des pouvoirs publics

La surproduction du secteur, très ancienne, aurait pu être anticipée. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, chaque pays a voulu préserver ses propres capacités de raffinage. Et aujourd'hui encore, il n'y a pas de politique énergétique commune en Europe. La France, pour réduire encore sa dépendance du pays vis-à-vis du brut, a en outre lancé à partir des années 1970 un grand programme nucléaire qui a réduit la demande nationale en fioul lourd. En parallèle, l'État a ensuite mis en place une politique fiscale très avantageuse qui a progressivement transformé le parc automobile et favorisé les achats de gazole.

La pression écologique

Pour le patronat du pétrole, cette table ronde est aussi l'occasion de mener un autre combat contre les normes environnementales. La taxe carbone a été récemment balayée, mais les taxes sur les carburants, la réglementation européenne sur les quotas de CO2, restent une épine dans leur pied. À défaut de parvenir à les supprimer, ces normes sont un prétexte idéal pour justifier la casse du raffinage.

Mehdi Fikri

(source 'Humanité)


La « toile industrielle » endommagée

Cet outil, mis au point par l'agence d'urbanisme de Dunkerque, montre l'impact désastreux qu'aura la fermeture de la raffinerie Total sur le tissu économique du territoire.

Grâce à un énorme travail de compilation de données, l'agence d'urbanisme et de développement de Dunkerque a récemment conçu un outil inédit : une carte nommée « la toile industrielle », autrement dit une représentation graphique des interactions entre les principales industries du dunkerquois. L'idéal pour jauger l'impact de la fermeture de la raffinerie des Flandres.

La raffinerie Total, l'une des principales industries du territoire avec Polimeri, Alcan, ArcelorMittal ou EDF, trône au milieu de la « toile ». Son principal lien est le port autonome. « La raffinerie, dotée d'un appontement propre, représente 17 % du trafic portuaire », explique Jean-François Vereecke, responsable de la prospective à l'agence d'urbanisme. Parmi les clients privilégiés de la raffinerie : Polimeri. Le premier fournit le second en hydrocarbures, qui les transforment en polyéthylène. Dans l'autre sens, Polimeri fournit la raffinerie en gaz de production. Au niveau des fournisseurs, on trouve Air Liquide ou encore Diester. Sans oublier les diverses entreprises de maintenance.

Au total, des dizaines d'entreprises seront inspectées. Les clients du site devront à présent payer des coûts de transport supplémentaires pour acheminer des hydrocarbures. Et ces fournisseurs trouveront moins de débouchés locaux pour les produits, ce qui aboutira à une contraction du marché et à un effondrement des prix. « C'est tout un écosystème industriel qui, à moyen ou long terme, sera très fragilisé », estime Jean-François Vereecke.

Mais il y a une richesse qui n'est pas quantifiée par la « toile » : les hommes, qui vont d'une usine à l'autre et constituent une communauté de travail et de savoir-faire. « Dunkerque est l'une des dernières très grandes plates-formes industrielles, avec des employés très qualifiés et des entreprises qui ont leurs propres cycles de formations, notamment en préventions-sécurité car il s'agit souvent de productions à risques », selon Gérard Blanc, président de la commission emploi du conseil de développement durable de Dunkerque.

  1. F.

(source l'Humanité)

 

 

 

 

 

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