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Dimanche 5 Septembre 2010:
Ils épuisent les fonds des entreprises... Comment ils s'assurent des retraites en or. Alors que va s'ouvrir le débat parlementaire sur la contre-réforme des retraites, l'«HD » revient sur ces retraites en or que se concoctent les grands patrons français. Complètement affranchis du financement de la protection sociale, ces modes de rémunération prouvent surtout la même chose que les affaires Woerth-Bettencourt : la classe dirigeante, qui demande tant de sacrifices aux salariés pour « faire face à la crise », sait très bien s'organiser pour ses propres intérêts. Le palmarès est tombé en plein été, dans le magazine « Capital ». L'affaire Woerth-Bettencourt n'avait pas encore révélé tous ses secrets mais on savait l'essentiel : la proximité affichée entre le pouvoir sarkozyste et les puissances d'argent est bien une proximité d'intérêts, de classes. Dernière preuve en date, le soupçon d'influence d'un collaborateur du ministre du Travail dans la décision d'autoriser le licenciement des syndicalistes de Molex, alors que ce même collaborateur avait des intérêts proches des dirigeants de l'entreprise américaine. Voilà pour la collusion. Et pour le comportement en classes, on retiendra donc ce palmarès des « retraites en or » des grands patrons qui, s'il n'a rien de nouveau, ne manque pas de piment en cette période de contre-réforme sur le système de retraite et de cure d'austérité exigée des salariés. Il y a cette année « une tendance à la modération », estime « Capital » qui qualifie de « justifiées », « raisonnables », voire « méritées » les pensions provisionnées par les grandes entreprises françaises pour leurs patrons : 3,3 millions d'euros par an, soit 81,4 millions provisionnés par L'Oréal (tiens donc...) pour son PDG, Lindsay Owen-Jones ; 1,8 million pour Franck Riboud chez Danone (31,9 millions provisionnés par l'entreprise) ; 1,1 million pour Henri de Castries, dont la pension coûte au total 19,8 millions au groupe AXA. Des retraites qui ont l'avantage pour l'entreprise de n'être soumises ni à la CSG ni aux cotisations sociales. Seule une contribution au fonds de solidarité vieillesse (de 12 à 24 %, selon le magazine) peut écorner ce joli pactole. Mieux, alors que le salarié lambda doit aligner ses 25 meilleures années de labeur pour calculer sa pension, les patrons cités pourront calculer leurs droits sur la base des trois derniers salaires, primes comprises ! Mais il est vrai que grands patrons et simples fonctionnaires n'ont pas le même type de soucis : « En fait de retraite chapeau, on devrait plutôt parler de retraite airbag», explique « Capital », « car le but du jeu est d'amortir financièrement le choc de la fin d'activité des dirigeants millionnaires. Au-delà de 8 fois le plafond de la Sécurité sociale (soit au-delà de 276 960 euros en 2010), le montant de la rémunération n'est en effet plus pris en compte pour le calcul des pensions classiques. Résultat, le taux de remplacement (le rapport entre la pension et le dernier salaire) pour ces gros revenus est très faible. À peine 15 %. Sans dopage, un patron payé 1 million d'euros par an ne toucherait plus qu'environ 100 000 euros à sa cessation d'activité. Difficile dans ces conditions de maintenir son train de vie. » Et pour être sûr de maintenir, certains de ces grands patrons ont pris soin que leurs pensions profitent aussi à leurs épouses et descendants après leur mort. Ainsi, l'épouse du PDG d'Air Liquide, Benoît Potier, pourrait toucher 60 % de la rente de son mari, soit 306 000 euros annuels. Chez L'Oréal, la pension sera aussi assurée aux enfants du directeur général, Jean-Paul Agon, et à ceux de ses collaborateurs directs. On notera enfin la bonne affaire de Denis Kessler, vice président du MEDEF, PDG du groupe Scor, qui veut « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance », s'est réservé une pension annuelle de 800 000 euros qui coûtera aux salariés de cette entreprise la bagatelle de 15 millions d'euros. Nul doute que le dirigeant du syndicat patronal devrait intervenir dans le débat sur les retraites, expliquant au bas peuple les indispensables sacrifices qui l'attendent. Vincent Borda *Provision de la rente globale, calculée sur la base de l'espérance de vie et des rentes à verser aux veuves et enfants. (source L'Humanité Dimanche)
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