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Mercredi 9 Juin 2010:
« C'est un hold-up au profit du Privé » Député PCF de Seine-Maritime et rapporteur du texte pour son groupe, Daniel Paul dénonce un projet de loi inamendable et contraire aux enjeux économiques et sociaux. Pourquoi, selon vous, le projet de loi Nome est-il inamendable ? Daniel Paul. Ce texte est une étape supplémentaire dans la libéralisation du secteur de l'électricité, qui suscite la convoitise du privé par sa capacité à générer du cash. L'objectif unique est de contourner le dispositif créé en 1946, qui empêche la mainmise du privé. Malgré les remises en question de ces dernières années, l'existence d'EDF et le maintien d'une logique de service public ont contrecarré jusqu'à présent le développement de la concurrence. En part de marché, celle-ci reste anecdotique. Pour permettre son essor, le projet de loi prévoit de mettre à la disposition des opérateurs privés, dont GDF Suez, 25 % de la production d'électricité d'origine nucléaire d'EDF. Et cela, à un prix qui se situerait aux alentours de 42 euros le mégawatt, alors qu'aujourd'hui le coût de production se situe aux environs de 34 euros. Soit, donc, une différence de 20 % qui ne manquera pas de reposer au final sur l'usager. Ce texte est donc inamendable pour deux raisons fondamentales. Premièrement, il s'agit d'un véritable hold-up au profit des opérateurs privés qui vont faire main basse sur un quart de la production nucléaire. Alors que ce parc de production appartient à la nation, donc aux citoyens. Il a été en effet financé sans apport de l'État, ni de quelque subvention que ce soit. EDF a eu recours à l'emprunt. Et cet emprunt, les usagers l'ont remboursé par leurs factures. Deuxièmement, l'objectif de ce texte est clairement de provoquer une augmentation artificielle des prix qui sont en France trop bas par rapport à ceux du marché. Et cela afin de permettre aux opérateurs privés de gagner des parts de marché. Quelles seront les conséquences de ce projet de loi ? Daniel Paul. Alors que nous traversons une crise économique et sociale sans précédent, la flambée des prix va créer de sérieuses difficultés économiques aux entreprises dites électro-intensives, donc mettre en péril les centaines de milliers d'emplois qu'elles génèrent. La précarité énergétique, qui touche déjà 8 millions de personnes, risque d'exploser. L'accaparement d'une partie de la rente nucléaire par le privé va restreindre l'investissement, donc la sécurité d'approvisionnement. Et enfin, cette loi est un contresens environnemental car elle va provoquer une hausse des émissions de gaz à effet de serre. Les opérateurs privés qui voudront bénéficier de la rente nucléaire devront, en effet, construire des moyens de production de pointe, en particulier des centrales à gaz. Pourquoi craignez-vous une privatisation de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) ? Daniel Paul. La CNR appartient pour moitié aujourd'hui à GDF Suez et pour l'autre moitié à différentes institutions publiques (collectivités locales, Caisse des dépôts...). Celles-ci disposent d'une action de majorité. Un amendement privatisant la CNR au profit de GDF Suez a été rejeté en commission sur demande du gouvernement. Nous craignons qu'il ne s'agisse là que d'un repli tactique et que la privatisation de la CNR ne refasse surface à un moment ou à un autre au cours du parcours législatif de la loi None. Quelle politique alternative prônez-vous ? Daniel Paul. Les enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels nous somment confrontés nécessitent une intervention publique forte. C'est pourquoi nous proposons la création d'un pôle public regroupant autour d'EDF les entreprises du secteur. Au plan européen, il faut privilégier la coopération entre États et entreprises historiques, plutôt que la concurrence. Entretien réalisé par P.-H. (source l'Humanité)
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