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Lundi 22 Mars 2010:

 

 

Où trouver 4,8 milliards d'euros pour satisfaire les spéculateurs qui ont plongé la Grèce dans la

crise ? Baisse des salaires des fonctionnaires et du montant des retraites, hausse des deux points de la TVA, du prix de l'essence... Le plan d'austérité adopté par le gouvernement de Papandréou vise clairement à saigner le peuple grec. Entre 60 et 80 % de la population est désormais hostile à ce plan et les Grecs descendent toujours plus massivement dans les rues. Voyant qu'ils n'ont que du mépris à attendre des dirigeants de l'Europe libérale, ils appellent les autres peuples européens à les soutenir.

Athènes, envoyé spécial.

Dans les rues d'Athènes, chaque semaine, le flot des mécontents grossit. Grèves générales accompagnées de manifestations massives, actions devant des institutions telles que les mairies ou des sièges d'entreprise, défilés en fin de journée, occupation du ministère des Finances par des syndicalistes : les Grecs s'emparent de tous les moyens possibles pour exprimer leur refus du plan d'austérité que, sous le contrôle de Bruxelles, leur a concocté le premier ministre, Georges Papandréou, un social-démocrate (Pasok) élu en octobre 2009. La troisième vague de cette cure, néolibérale, annoncée le 3 mars a fait définitivement basculer l'opinion. Désormais, selon des sondages, ils sont entre 60 % et 80 % à rejeter son application (soit de 20 % à 30 % de plus qu'une semaine auparavant). Même le secteur privé, habituellement peu enclin à cesser le travail, est de la partie : environ 90 % des salariés ont répondu présent à l'appel à la grève générale, selon la GSEE, la confédération syndicale du secteur public. Et certains magasins ont même fermé leurs portes. Kosta, un petit éditeur athénien aussi propriétaire d'une librairie, a baissé le rideau de sa boutique, libéré ses salariés pour qu'ils rejoignent, s'ils le souhaitaient, les rangs des manifestants. « Il n'y aura plus aucun avenir en Grèce. Mais ce qui se passe chez nous, c'est un avant-goût de ce qui s'appliquera bientôt dans tous les pays européens », explique-t-il. Le libraire continue de marcher en frappant dans les mains. Puis, il affirme, posé mais ferme : « On attend une solidarité européenne. Pas seulement des gouvernements. On attend que les Européens descendent, eux aussi, dans la

rue. » Lea, elle aussi travaillant dans le secteur privé, lance, comme s'il s'agissait d'un appel envoyé à ses concitoyens européens : « Les Grecs et les Européens doivent manifester ensemble ». Il faut dire que les Grecs ont subi coup sur coup des politiques économiques restrictives : pour intégrer la zone euro et pour respecter les critères du pacte de stabilité. Privatisation de services publics tel OTE-Com, l'équivalent de France Télécom, ou d'entreprises nationales telle que la compagnie aérienne Olympic Air, destruction du tissu artisanal et agricole traditionnel. Rebelote, aujourd'hui, pour satisfaire aux exigences cumulées de Bruxelles et des marchés. Conclusion : le taux de chômage s'élève à 9,7 % et 20 % de la population est en dessous su seuil de pauvreté, selon les données de l'office européen des statistiques (Eurostat). Dans cette situation, évoquer avec les salariés ou les chômeurs la question d'un Fonds monétaire européen (FME) apporte le plus souvent une autre question, laconique : « Et alors ? »

En réalité, ils sont nombreux à avoir compris que la Grèce est un « laboratoire pour ce type de mesures économiques », comme l'explique Despina Spanou, vice-présidente de l'Adedy, la confédération syndicale du secteur public. Même analyse du côté de la GSEE dont le président, Yannis Panagopoulos, pressent que « la Grèce est un cobaye pour toute l'Europe et pour l'économie internationale ». Si tous se félicitent de la venue du dirigeant de la CES, John Monks, le 24 février, et de la résolution dans laquelle « la Confédération européenne des syndicats exprime son entière solidarité avec la Grèce » (1), ils voient aussi que, pour l'instant, ni leur gouvernement ni la commission ne bougent. La Grèce s'enfoncera-t-elle, coûte que coûte, dans un régime sec, abandonné à son triste sort malgré les appels de la rue ?

C'est une crainte. Junker a les yeux fixés sur la maîtrise de l'inflation ; Nicolas Sarkozy et Angela Merkel proposent pour l'avenir l'introduction d'un FME, calqué sur le FMI, qui ne serait qu'un instrument de plus pour imposer l'austérité aux peuples européens; et l'aberration a atteint son comble quand des députés allemands ont proposé aux Grecs de vendre leurs Îles !

Face à ce mépris des dirigeants, la lueur d'espoir est donc celle d'un front commun. Du côté du Pame, le front syndical émanant du KKE (le parti communiste grec), pour faire bouger les partenaires, on compte sur les journées d'action des 23 et 24 mars, quand les membres de la Fédération syndicale mondiale se retrouveront à Athènes. De son côté, Synaspisnos souhaite la création d'un « front rassemblant les syndicats et les partis de gauche qui organise la coordination entre les travailleurs européens ».

Conscients qu'ils sont les premiers à subir ce qui, peu à peu, gagne toute l'Europe, le Portugal, l'Espagne et l'Italie en tête, les Grecs remarquent aussi que plus les plans d'austérité se développent, plus la contestation grimpe dans ces pays. La Grèce, berceau de la démocratie, terreau de la culture européenne, serait-elle en train de montrer la voie à ses partenaires ? Au pays de Zeus, en tout cas, les citoyens espèrent que leur tempête emporte les bases ultralibérales de l'Europe.

Fabien Perrier

(source l'Humanité)

 

 

 

 

 

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