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Mercredi 14 Avril 2010:

 

Quand les étudiants jouent les profs en classe...

Le ministère de l'Éducation est prêt à tout pour éviter l'embauche de fonctionnaires.

Tout plutôt qu'embaucher des enseignants ! Voilà un mot d'ordre ministériel que l'inspection académique de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a reçu cinq sur cinq. Confrontée au problème grandissant du remplacement des profs absents, cette dernière refuse, depuis plusieurs mois, d'ouvrir la « liste complémentaire » des enseignants et préfère expédier devant les élèves des étudiants sans formation ni perspective de carrière. Une situation inédite et dénoncée de toutes parts.

Jusqu'ici, lorsqu'il s'agissait d'ajuster les effectifs de profs en cours d'année, les inspections académiques piochaient dans le vivier des candidats ayant échoué de peu au concours de recrutement l'année précédente – la fameuse « liste complémentaire ». Certes, ces recalés se retrouvaient, du jour au lendemain, dans une classe sans aucune qualification professionnelle. Mais ils bénéficiaient du statut de fonctionnaire stagiaire et étaient traités, à la rentrée suivante, comme des personnels en formation. Une perspective insupportable pour l'actuel pouvoir politique, agenouillé sur l'autel de l'orthodoxie budgétaire.

Du coup, pour boucher les trous et anticiper la réforme de la formation des maîtres, le ministère demande aux inspections académiques de recourir aux services d'étudiants. Ils sont actuellement 75 en Seine-Saint-Denis. Et selon les termes de Daniel Auverlot, l'inspecteur d'académie, ils offrent « toutes les garanties pédagogiques nécessaires ». Belles garanties en vérité: tous doivent avoir été « admissibles» au concours de recrutement des professeurs des écoles en 2009, et être inscrit à la prochaine cession ! Deux critères qui leur ont permis de signer un contrat de stage rémunéré 750 euros par semaine. Soit deux fois le salaire d'un professeur des écoles débutants...

« C'est une véritable provocation pour les personnels en poste, réagit François Cochain, secrétaire général du SNUipp 93. Et on ne nous fera pas croire qu'il n'y avait pas les moyens budgétaires de recruter le personnel nécessaire sur la liste complémentaire. Le seul vrai blocage, en fait, est de ne surtout pas embaucher de futur fonctionnaire. C'est lamentable. »

Évidemment, l'arrivée de ces étudiants dans les établissements scolaires – quand elle est connu – suscite parfois l'incompréhension des parents d'élèves. Voire la colère. Il y a quelques semaines, au Pré-Saint-Gervais, plusieurs d'entre eux ont refusé qu'un de ces néophytes prenne une classe de CE2. Du côté syndical, on ne veut pas se tromper de combat. « La question de l'inexpérience des personnels n'est pas celle qui justifie notre colère, souligne François Cochain. Ces étudiants n'y sont pour rien et l'on est solidaire de ces nouveaux précaires. On va se battre pour leur titularisation et l'ouverture de la liste complémentaire. »

Laurent Mouloud

(source l'Humanité)


 

 

 

 

 

 

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