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Samedi 26 Juin 2010:

 

 

Fillon refuse d'entendre le message des manifestants

Après le chef de l'État, le premier ministre affiche son mépris pour la colère exprimée jeudi par plus de deux millions de salariés contre le projet de réforme des retraites. Les syndicats se montrent prêts à relever le défi. Réunion de l'intersyndicale, rejointe par FO, mardi.

Le mépris en guise de politique. Jeudi, déjà, le chef de l'État s'était illustré dans cet exercice. Ce jour-là, selon l'estimation de la CGT, prenant en compte le 1,9 millions de manifestants recensés dans 201 cortèges et les milliers d'arrêts de travail, « c'est largement plus de 2 millions de personnes qu'ont, d'une manière ou d'une

autre », exprimé leur rejet du projet de réforme des retraites. Mobilisation exceptionnelle à quelques jours seulement des congés d'été, et qui, contrairement aux dires des commentateurs de droite, n'a pas seulement touché les services publics, mais aussi de très nombreuses entreprises privées.

Le bras d'honneur invisible aux manifestants

Ce jour-là, donc, Nicolas Sarkozy a préféré se pencher sur les Bobos à l'âme de l'équipe de France de football en recevant à l'Élysée un joueur multimillionnaire promis, lui, à une retraite dorée à... trente et quelques années. Une « espèce de bras d'honneur invisible fait aux manifestants », commentait, hier, le leader de la CFDT, François Chérèque.

Jeudi soir, cela continuait, par la voix du ministre Travail qui, selon une formule désormais rituelle, prétendait

« écouter les personnes qui ont défilé », avant d'affirmer que la mobilisation « ne change évidemment rien à la volonté du gouvernement » d'augmenter l'âge légal du départ en retraite. Et hier matin, c'est le premier ministre qui jouait la même partition : « Le gouvernement comprend les inquiétudes », mais, ajoute François Fillon, en forme de fin de non-recevoir, « aucune mobilisation ne réglera le problème démographique que pose la question des retraites ». Une sorte d'insulte à l'intelligence des Français qui, au grand dam du sieur Fillon, ont bien compris que, fondamentalement, dans l'affaire des retraites, la démographie n'était pas en cause, mais bien davantage une très injuste répartition des richesses. Le sentiment d'injustice était précisément le ressort profond de la démonstration populaire de jeudi.

Devant l'apparente surdité du pouvoir politique, le secrétaire général de la CGT mettait en garde, hier. « Si le gouvernement et le chef de l'État font comme s'il ne s'était rien passé, s'ils jouent les apprentis sorciers compte tenu du mécontentement qui existe sur ce projet de loi (…), Il ne faudra pas s'étonner que le conflit prenne une autre intensité à la rentrée », déclarait Bernard Thibault, sur LCI. Forte du succès de mobilisation, la CGT juge que l'actuel projet de loi devrait être retiré de l'ordre du jour du Conseil des ministres du 13 juillet. « Cette revendication doit être portée sur chaque lieu de travail », demande la confédération. Détermination semblable à la FSU : « Le gouvernement doit entendre la contestation et retirer son projet ! » Et chez François Chérèque : « Il faut que le gouvernement réécrive cette réforme. » Réagissant aux propos d'Éric Woerth qui avait jugé la mobilisation de jeudi « assez forte » mais « légèrement plus faible qu'en 2003 » contre la loi Fillon, le numéro un de la CFDT a répondu : « Ce type de provocation nous met au défi. Eh bien, on fera mieux qu'en 2003 et on sera plus nombreux à la rentrée. » D'ici là, l'intersyndicale, qui se réunit mardi pour envisager les suites à donner au mouvement, aura gagné des forces, FO ayant annoncé qu'elle la rejoindrait. Quoi que décide le gouvernement le 13 juillet, l'été, pour les syndicats comme pour les partis de gauche, ne devrait pas être synonyme de trêve.

« Les communistes seront mobilisés tout l'été pour faire grandir encore le front de riposte à la casse des

retraites », promettait hier Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, qui conduira, lundi, une délégation du CSA pour réclamer l'organisation d'un véritable « débat national » sur le sujet. Contrairement à ce qu'affirmait une fois de plus François Fillon hier (« on peut tourner le sujet dans tous les sens, faire miroiter » d'autres solutions, la

« seule » mesure « véritablement efficace est le relèvement de l'âge de départ »), des alternatives sont sur la table, à l'exemple de la proposition de loi déposée récemment par les députés PCF et PG. ?

Yves Housson

(source l'Humanité)

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