> Presse —> La stigmatisation et l'outrance débouchent sur un recul de l'intelligence |
Mercredi 18 août 2010:
L'éditorial de Michel Lepinay Et la sécurité dans tout ça ? La stigmatisation et l'outrance débouchent sur un recul de l'intelligence. Après la stigmatisation publique, c'est l'heure du passage à l'acte. Le premier avion de Roms à destination de la Roumanie ou de la Bulgarie devrait partir jeudi. C'est le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux qui l'a annoncé. Au total 700 personnes, adultes et enfants, devraient être ainsi reconduites à la frontière après le démantèlement de 51 campements illégaux. Sinistre comptabilité, pour un dérisoire palmarès. Sinistre, parce qu'en quelques semaines les gens du voyage ont dû se sentir renvoyés au stéréotype éculé du voleur de poule. Dérisoire, parce qu'Éric Besson, le ministre de l'immigration, reconnaissait lui-même hier que les expulsés auront parfaitement le droit de revenir quand ils le voudront. Les lois de l'Europe, qui prévoient entre autres la libre circulation des personnes, prévalent heureusement. Et n'en doutons pas, ils reviendront, attirés par une vie malgré tout moins difficile que chez eux, et peut-être aussi par la prime qui accompagne l'expulsion. Et l'insécurité dans tout ça ? Aura-t-elle reculé pour autant ? Évidemment non. Pas plus que la menace de déchoir de leur nationalité les immigrés d'origine étrangère, ne ramènera dans le droit chemin un seul criminel. Au contraire serait-on tenté de dire. En stigmatisant les communautés, en montant les Français les uns contre les autres, ont durci les conflits, on rend les problèmes encore plus insolubles, on pousse les plus marginaux vers le fossé, au lieu de les ramener sur le droit chemin. Alain Juppé a pu le constater à ses dépens à Bordeaux, lorsqu'il a recherché une solution amiable avec quelques dizaines de gens du voyage, et qu'il s'est heurté à un mur d'incompréhension et de refus. La stigmatisation et l'outrance, l'exclusion et l'intolérance débouchent toujours sur un recul de l'intelligence. Pour trouver des solutions aux problèmes, réels, il faut se parler avant de dénoncer, écouter avant d'expulser. Que restera-t-il donc cette grande offensive sécuritaire d'été ? Des chiffres. Obstinés. Après huit ans, et une vingtaine de nouvelles lois, la méthode du ministre de l'Intérieur, puis du président, Sarkozy, a échoué à faire reculer la délinquance. Et sur le terrain, la présence policière a diminué. Lorsqu'on a supprimé la police de proximité, Nicolas Sarkozy lui reprochait de « jouer au ballon » avec les jeunes, puis lorsqu'on a commencé à réduire les effectifs, pour cause de rigueur. 9000 postes de policiers et gendarmes supprimés en trois ans, 3500 nouvelles suppressions envisagées. La méthode Sarkozy de lutte contre la délinquance pourrait ainsi se résumer à un paradoxe : toujours plus de lois, de déclarations de guerre aux délinquants, surtout d'origine étrangère... Et toujours moins de forces de l'ordre. À la place, on nous promet une caméra à chaque coin de rue... Pourquoi pas ? Mais chez les policiers comme chez les élus locaux, jusque dans le propre parti du président, la recette a de plus en plus de mal à passer. (source le havre libre)
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