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Dimanche 16 Mai 2010:

Desserrer le nœud coulant de la finance

Par Jean-Christophe Le Duigou (1)

Le mouvement social doit affronter un nouveau défi. Au moment où il s'apprête à mener bataille pour la défense et l'amélioration du système de retraite, la crise financière frappe à nouveau, mettant plusieurs pays européens dos au mur. Les États, financièrement exsangues après la première crise et les plans de sauvetage des banques, y trouvent de nouvelles raisons pour justifier les sacrifices demandés aux salariés. François Fillon fait même de ces reculs sociaux la pierre de touche des solidarités européennes, reliant comme par hasard la question de la retraite et celle de la nouvelle crise financière : « On ne peut pas avoir la même monnaie et partir à la retraite à 67 ans dans un pays et à 58 ans dans un autre. Ou alors il faut accepter que notre monnaie soit menacée », déclare-t-il. Qu'on est loin des tirades du printemps de 2009, qui, d'un sommet des chefs d'État à une réunion du G20, annonçaient la volonté de « briser les reins des fonds spéculatifs », de « mettre en place une nouvelle régulation financière », et même de « refonder le         capitalisme ».                                                                                                                                                                    Plus besoin d'attendre les attaques spéculatives sur les taux d'intérêt, les gouvernements européens se lancent, les uns après les autres, dans des programmes d'austérité. Au prétexte d'éviter que le scénario grec ne se reproduise, plusieurs pays européens ont ainsi choisi de devancer les exigences des marchés financiers. Le premier ministre espagnol et le gouvernement portugais avaient déjà annoncé des mesures de rigueur. Tous les deux préparent de nouvelles décisions. Les Britanniques s'inquiètent, après leurs élections. À juste titre : le nouveau gouvernement pourrait décider un très sévère plan d'austérité. Pour la France, le premier ministre a annoncé, il y a 8 jours, tout en refusant de prononcer le mot, qu'il allait mettre en œuvre un plan d'austérité budgétaire. Plan sans précédent : les dépenses de l'État seraient « gelées », c'est-à-dire bloquées pendant trois ans « en valeur ». Cela signifie qu'elles baisseraient chaque année du montant de la hausse des prix.                      Gouvernements et marchés financiers se focalisent sur les problèmes de la dette publique et des retraites, laissant ainsi supposer que les États ont trop dépensé. Pour comprendre cette véritable débâcle, en tirer tous les enseignements et donner des perspectives, il importe d'aller au-delà des évidences martelées. Comme le soulignait l'économiste américain Paul Krugman, dans un éditorial récent du « New York Times », « il y a trois ans, aucun de ces pays en crise ou proches de l'être ne semblait connaître de réel problème budgétaire. Même le déficit de la Grèce, exprimé en pourcentage du PIB, n'était pas plus important que celui des États-Unis ».       La question de l'avenir des retraites est au cœur de l'affrontement avec les marchés financiers. La démographie est bien sûr un problème, mais un problème sur le long terme et un problème parfaitement surmontable. Elle sert de prétexte pour exiger des sacrifices importants aux salariés et faire une place plus grande à la capitalisation. Les gouvernements cachent ainsi leur relative impuissance vis-à-vis des marchés derrière une justification qui n'en est pas une. Les marchés financiers n'ont même plus besoin de spéculer puisqu'ils obtiennent, par la seule crainte qu'ils suscitent, de nouveaux espaces de développement sur la base de la régression des régimes de retraite publics.                                                                                                                                                               Reste que les politiques qui se mettent en œuvre, loin de guérir le malade, risquent de l'achever. Quel que soit le contexte, la baisse des salaires, l'amputation des retraites, le recul des dépenses publiques, outre leur caractère douloureux, provoquent invariablement un marasme prolongé de l'économie et une situation de sous-emploi. Ces décisions, loin de réduire l'endettement, l'aggravent, puisque les revenus baissent et les recettes publiques vont au mieux stagner face a une dette dont l'importance demeure inchangée. Les gouvernements européens préparent la prochaine récession. Le nœud coulant se resserre implacablement.                                                        Il y a donc tout lieu de se réjouir des solidarités revendicatives qui se construisent à l'échelle de l'Europe. Elles vont permettre aux salariés de mieux se défendre. Elles participent aussi de l'action pour une transformation des politiques économiques. Elles répondent par là au vrai intérêt général des Européens. Il y a urgence.

  1. Économiste et syndicaliste.

(source l'Humanité)

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