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Lundi 12 Juillet 2010:
Éditorial De la défiance à la colère Par Jean-Paul Piérot En s'invitant ce soir pour une heure d'antenne dans les studios de France 2, Nicolas Sarkozy ne se fait sans doute aucune illusion sauf à changer le cours de sa politique sur ses chances de combler le fossé qui s'est creusé entre les Français et l'équipe au pouvoir. Le sondage CSA-le Parisien publié dimanche, qui établit à 63 % la proposition de l'opinion qui lui refuse sa confiance, ne fait que confirmer une tendance lourde constatée par tous. La France n'est pas seulement plongée dans une crise économique et sociale résultant des politiques libérales menées à Paris et en Europe. Elle est frappée par une crise politique comme notre pays n'en a jamais connu depuis 1968. C'est un président fortement décrédibilisé qui va tenter de circonscrire l'incendie allumé par la mèche Woerth-Bettencourt. Pour autant, les raisons de la colère qui monte dans tout le pays sont plus amples : contre-réforme sur les retraites, budget qui va frapper les plus démunis et les familles modestes, réductions de postes dans les services publics (hôpitaux, établissements scolaires). Austérité à tous les étages, sauf au plus élevés. Quant à l'affaire Woerth-Bettencourt, le gouvernement aurait souhaité à tout le moins que le scandale qu'elle révèle servît de chiffon rouge détournant l'attention du monde du travail du projet abolissant la retraite à 60 ans, et portant l'âge légal à 62 ans et jusqu'à 67 ans pour ceux qui n'auraient pas réuni le nombre d'annuités nécessaires. Le projet sera présenté demain en Conseil des ministres. Les relations pour le moins étroites entre la troisième fortune de France et un ministre du Budget qui préfère exiger plus de ceux qui ont moins, choquent l'opinion, sans pour autant totalement la surprendre. Quelle que soit la teneur des arguties choisies par Éric Woerth pour se défendre des reproches qui lui sont faits, le versement de 30 millions d'euros à Liliane Bettencourt au titre du bouclier fiscal, au moment où l'on rogne sur l'aide aux handicapés, à l'emploi et au logement, notamment pour les étudiants, suffit à apparaître non seulement comme une iniquité, mais surtout comme la preuve que ce gouvernement prend aux pauvres l'argent qu'il donne aux riches. Éric Woerth plastronnait ce week-end sur le marché de Chantilly. si le geste n'y était pas, les images envoyaient une sorte de bras d'honneur aux Français les plus modestes, aux classes moyennes, qui vont sentir douloureusement les mesures d'austérité budgétaires. « Jamais, se rengorgeait le ministre maire au milieu de ses partisans, un ministre n'a été autant soutenu par le président. » Ce qui en dit long sur l'état d'esprit qui règne au sein de la caste, où l'on préfère manifestement désespérer Billancourt que de fâcher Bettencourt. L'avenir proche nous dira ce qu'il adviendra d'Éric Woerth lors du prochain remaniement. L'essentiel est ailleurs : ce n'est pas le soldat Woerth que le président veut sauver, mais l'offensive contre les retraites des salariés. La prochaine séquence politique s'annonce décisive. Les syndicats en semblent convaincus, qui ont adopté un appel à la mobilisation pour le 7 septembre. Quant à la gauche, elle n'a pas le droit d'être absente au rendez-vous de la résistance. L'été est chaud cette année. (source l'Humanité)
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