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Mardi 22 Juin 2010:

Le combat d'une veuve de l'amiante

Hervé Lefebvre, enseignant, est décédé d'un cancer de la plèvre. Sa femme se bat contre l'éducation nationale pour éviter à d'autres enseignants le sort de son mari.

« Tu es sûre que c'est bien à cause de ça ? » Voilà ce qu'entend en général Lou Lefebvre lorsqu'elle évoque la mort de son mari. Artiste peintre et professeur d'arts plastiques au collège Joseph-Vallot à Lodève, dans l'Hérault, Hervé Lefebvre est décédé le 27 novembre 2009 à l'âge de cinquante-deux ans d'un cancer de la plèvre, diagnostiqué quelques mois auparavant. Une maladie – Hervé et Lou le savent bien – réputée pour être une conséquence directe de l'exposition prolongée à l'amiante. Cette amiante, Hervé l'a bien respirée au cours de sa carrière dans l'ancien collège de Lodève. Ironie du sort, c'est en partie grâce aux efforts de l'enseignant, déjà sensibilisé aux dangers de la substance, que l'établissement avait fini par être démonté en 1997.

Demande de pension refusée

Fait rare dans le monde du travail, le jour de la mort de son mari, Lou Lefebvre a la surprise de recevoir une lettre de reconnaissance de maladie professionnelle. Ce courrier est l'aboutissement de la longue lutte menée par le couple entre mai et novembre 2009, avec l'aide de la FSU, principal syndicat de l'éducation nationale. Pourtant, cette reconnaissance est purement symbolique et n'implique pas l'attribution d'une pension pour la conjointe de la victime. Lou a donc déposé un recours devant le tribunal administratif pour que l'éducation nationale « débourse au moins un centime pour les erreurs qu'elle a commises ». Requête refusée, au motif que le régime de protection sociale des fonctionnaires de l'éducation nationale fixe des conditions très rigides à l'attribution de pensions pour les conjoints : si dans le régime de protection sociale général Lou aurait eu droit à une compensation financière, l'éducation nationale exige en revanche au moins dix ans de mariage pour accorder une pension au conjoint.

Pas de suivi médical pour les enseignants

Malgré ce premier revers, Lou ne compte pas en rester là. Elle continue à se battre pour que l'éducation nationale contacte tous les enseignants ayant pu être exposés à des risques au sein de l'ancien collège de Lodève afin de leur proposer un dépistage de la maladie qui a remporté Hervé. Jusque-là, « le rectorat a lancé un recensement, mais aucun suivi des personnes concernées n'a encore été envisagé », déplore-t-elle. La fédération des parents d'élèves est également intervenue pour demander que les anciens élèves du collège bénéficient eux aussi d'un contrôle médical.

Ce que Lou et les syndicats souhaitent pointer du doigt dans cette affaire, c'est l'absence de médecine du travail au sein de l'éducation nationale. Les enseignants ne bénéficient en effet d'aucun suivi médical après leur entrée dans la profession. Il est de la responsabilité de l'administration de mettre en place un dispositif qui permette de prévenir et d'écarter les risques sanitaires liés à l'exercice du métier de professeur. Aujourd'hui, Lou Lefebvre a fait appel à un avocat pour déterminer si cette absence de surveillance médicale contrevient aux textes relatifs à la protection de la santé des enseignants, et s'apprête à examiner, le cas échéant, les modalités d'une nouvelle action en justice.

Hugo Castanera et Viviane Clermont

(source l'Humanité)

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