> Presse  —>Sarkozy, le code pénal...

 

Dimanche 28 Mars 2010:

 

Code pénal, Sarkozy met le paquet.

Depuis plusieurs années, la procédure pénale est au cœur des débats de toute tentative de réforme judiciaire. L'objet est le suivant : la moindre modification des textes doit respecter les règles du procès équitable, du début de l'enquête au jour de l'audience.

Que nous dit la norme, celle du droit au européen ? Que ladite procédure doit être « équitable, contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ». Le projet de réforme du gouvernement, lui, avance que « la procédure pénale a pour finalité d'assurer la répression des infractions à la loi pénale... » Répression. Le mot ne vous a pas échappé. Voilà qui donne le ton. Cette proposition de réforme sent mauvais: elles préfigure la toute-puissance accordée au parquet.

Mais qu'est-ce donc que ce parquet ? Celui-ci, qui n'est pas de bois, est l'organe de poursuite censé représenter « les intérêts de la société ». Composé de procureurs et de substituts, il intervient à tous les stades de la procédure. Il a barre sur les services de police et dispose des experts.

L'organe d'instruction, le comme le juge du même nom, réunit, lui, les éléments du dossier, sur les faits et la personnalité des mis en cause et des victimes. Il intervient actuellement dans toutes les affaires criminelles (crime de sang ou autres infractions particulièrement graves), notamment dans la plupart des dossiers politico-financiers. Le juge d'instruction peut être saisi directement par les victimes, par le biais de la constitution de partie civile. L'instruction est réputée « contradictoire » : elle permet aux parties de formuler diverses demandes d'actes afin d'obliger le juge à agir.

Dans la réforme Sarkozy, le parquet devient le maître de toute la procédure et doit donc jouer le rôle jusqu'ici dévolu au juge d'instruction – le ministre de la justice, grand patron en bout de chaîne, restant maître de ce même parquet.

Il n'existera donc plus qu'une seule « enquête judiciaire pénale », dont le procureur aura la maîtrise totale. Pour « la manifestation de la vérité », il devra conduire les investigations « à charge et à décharge ». Il pourra même, précise aimablement le projet, refuser les « instructions individuelles » si elles sont contraires aux principes de sa mission. Pour être clair, ce sont donc les services de police qui vont faire l'enquête, et établir la plupart des actes.

Le statut de « partie » à la procédure, obligatoire dans l'instruction actuelle, qui seule donne des droits, sera attribué, dans le futur, à l'appréciation du parquet et même des enquêteurs eux-mêmes. Exemple : une association de défense ou une ONG peut, aujourd'hui encore, ce porter partie civile quasi automatiquement dans une procédure qui touche son objet. Eh bien, cette automaticité, ce sera fini.

Demain, un officier de police judiciaire pourra procéder à « l'interrogatoire de notification de charges » pour les crimes ou délits passibles d'une peine allant jusqu'à dix ans d'emprisonnement. Pour être clair, nous serons directement « incriminés » par le policier ! La procédure va donc, désormais, se dérouler, non plus dans les palais de justice, mais dans les commissariats.

Pour solliciter des « demandes d'actes », autrement dit aider à établir la vérité, les parties devront s'adresser au procureur. S'il refuse, il faudra s'en plaindre au juge de l'enquête et des libertés (JEL). La mise en place de ce JEL, arbitrant soi-disant l'équilibre de la procédure, ne peut compenser les pouvoirs, quasi souverains, que Michèle Alliot-Marie, ministre de la justice, veut donner au parquet. Ce JEL ne suivra pas, en permanence, la procédure. Pour l'essentiel il statuera sur dossier, sans débat contradictoire.

Ainsi, magnifique édifice, voilà un parquet qui devient le maître L'enquête pénale, sous l'autorité du ministre de la justice, toujours si « indépendant » avec une police, toujours vétilleuse en matière de respect du droit, qui en assure la mise en œuvre...Le tout sous le regard vigilant du ministre de l'intérieur. Si, après ce tableau, vous n'êtes pas convaincus du grand bond en avant que vont faire nos libertés, c'est que vous êtes mauvais coucheurs.

Cet incroyable projet mobilise contre lui la quasi-totalité du monde judiciaire, même des hommes et des femmes de droite. Et parmi eux, ceux qui avaient espéré la mise en place d'un système plus protecteur des droits déchantent. Le parquet, maintenant maître de l'ensemble du jeu, reste institutionnellement inféodé au pouvoir politique. Aucune autonomie fonctionnelle ne lui est accordée, même pas la nomination de ses membres par un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Au 1er janvier 2011, comme l'a voté le Parlement après l'affaire d'Outreau, Le juge d'instruction, doit se fondre dans une collégialité de magistrats, alors que le pouvoir souhaite sa disparition pure et simple.

Face à ce dessein – un acte suicidaire pour la démocratie et qui met à la poubelle de l'Histoire l'esprit de la Déclaration des droits de l'Homme-, que faire d'autre que se mobiliser ? Si vous aviez envisagé de ne manifester qu'une seule fois dans votre vie, c'est aujourd'hui qu'il faut le faire. Interpellez vos élus, frappez sur des casseroles, hurlez par vos fenêtres. Un premier débat est bientôt prévu à l'Assemblée nationale, à propos de la garde à vue. Ce sera un test. S'il passe, l'avalanche suivra.

Frank Natali

(source backchich)

 

 

  haut de page